Un drôle d’oiseau secoue les codes d’usage en s’appuyant sur diverses branches : pop, electro, hip hop, post punk ou folk. Ingénieux, ça se fredonne en plus.


C’est irrémédiable, les disques electro tournent en rond depuis un bon moment. Même le label référence Warp est contraint de se mettre au diapason et signe des groupes de rock (les excellents Maximo Park). New York, nouvel Eldorado du BPM, semble apporter un peu de sang neuf en revisitant quelques vieilles ficelles eigthies. Le résultat, généralement sympathique, est malheureusement rattrapé par la hype médiatique, agissant comme une levure putassière sur des artistes qui n’en demandaient pas tant. Combien de couvertures de magazines pour LCD Soundsystem, !!! ou The Rapture ?

Un peu isolé sur son île cockney, le jeune londonien Tom Vek (23 ans) offre sur son premier album une alternative à l’invasion outre-atlantique, et c’est plutôt rare, amplement louable. Sa marmite garage electro-funk démontre des prédispositions et connaissances en matière musicale qui dépassent de très loin l’entendement commun. Notre petit prodige ne baigne pas exactement dans les loops et autres séquenceurs depuis son enfance, mais c’est auparavant illustré dans un groupe punk, The Povery Jet Sets. Sur l’écoute de quelques démos parallèles, Tim « Love » Lee, manager et patron du label Tummy Touch (Groove Armada), le prend sous son aile et l’encourage à persévérer dans cette direction moins conventionnelle.

Décrit par le principal intéressé comme du « rock electro taré », We Have Sound est un disque audacieux, un véritable concentré de genres échelonné sur 10 titres (39 minutes). Energique à souhait et complètement émancipé des codes en vigueur, Tom Vek brouille les pistes à chaque nouveau morceau. Encré dans une approche lo-fi crasseuse rappelant la marque du label DFA, l’héritage pop emprunté à son expérience passée (le bougre n’a que 23 ans, on le répète) parvient néanmoins à rendre son terrain de jeu très convivial (le détonant “C-C”).

Cousin des têtes de mule de Kasabian pour ses aptitudes rock, notre jeune-homme (un fumeur de Camel paraît-il) ne se prend pas trop au sérieux et apprécie les bonnes vieilles mélodies en dépit d’un son tarabiscoté.

L’influence rock se fait sentir sur “If I Had Change My Mind”, battit autour d’un riff folk marécageux, boosté par un beat incontrôlable. Difficile de tenir la cadence face à un tel rouleau-compresseur. Autre sympathique perle vivifiante, “I Ain’t Saying My Goodbyes” semble être le fruit d’une observation assidue du groupe Bloc Party lors de sa récente tournée commune : guitares rugueuses et théorie rythmique piochée dans Le petit Talking Heads illustré, cette décharge fait péter les plombs. Mais We Have Sound ne se résume pas à quelques brûlots énergiques et se révèle très dense au détour de passages plus détendus (“On the Road”) ou à l’humeur electro-folk (“That Can Be Arranged”).

Bien encré dans son temps, Tom Vek est également un chanteur et parolier pertinent, dont le ton et l’approche bricolage le rapprochent d’un Beck du XXIeme siècle. Avec son accent de Lads, il a autant de répartie que The Streets : « C’est pourquoi je couvre mes oreilles lorsque tu me parles », marmonne-t-il sur “Cover”, pointant un conflit générationnel . “Nothing”, marche sur les plates-bandes de Loozin’My Edge d’LCD SoundSystem, dicté par une basse bien garage et entraînante, martelé par un flow verbal nonchalant.

Entouré d’un vrai groupe sur scène, les prestations risquent d’être bel et bien fiévreuses, on a déjà eu un avant-goüt aux Eurockéennes. Comme le clame si bien son titre, «Nous avons du son», et cela s’appelle Tom Vek.

-Le site officiel de Tom Vek