L’Irlandais poursuit sa quête nocturne du sacré, évoluant encore et toujours dans cet univers peuplé d’anges déchus mais talonné par le terrifiant Harry Powell. Envoûtant…


Michael J Sheehy a dû rencontrer la Camarde, boire un coup avec elle et lui raconter des blagues salaces avant de lui envoyer une bonne droite et la laisser, inconsciente, sur les pavés de Dublin, par une sombre nuit d’automne avant son départ pour l’Amérique profonde. Impossible d’expliquer autrement l’ambiance mortifère qui se dégage de ses chansons. Mais pas seulement. Quand on défie à ce point la Grande Faucheuse, un méchant rictus fige définitivement la tronche de l’aventurier, ravi de côtoyer les fantômes de vieux pionniers poivrots tout en gardant un pied dans la réalité. Seulement, à trop fricoter avec l’Autre Rive on doit s’attendre à tomber sur des spectres assez peu fréquentables, l’horrible héros de La Nuit Du Chasseur en tête. Ce long travelling glaçant émane de Ghost On The Motorway, quatrième album de Michael J Sheehy.

De son Irlande natale, Michael J Sheehy a surtout gardé l’obsession religieuse. Car pour ce qui concerne la musique, c’est à l’Amérique crue qu’il fait du pied, celle de John Steinbeck et Woody Guthrie. Son blues-folk dégage de la poussière, les rythmes sont cavalcades, les harmonies sèches comme des chiques périmées. Encore plus que les précédents albums de Michael J Sheehy, Ghost On The Motorway verse dans le cynisme. En effet, il est aisé de se laisser porter par ces ballades squelettiques ornées d’arrangements à la sobriété caverneuse. Ici un melodica, là un banjo, une slide guitar, un violon et des anges, beaucoup d’anges… noirs. De temps en temps un orgue et ces quelques choeurs angéliques viennent vous bercer avec une douce mélodie qui dissimule mal des paroles éprouvantes, voire insupportables (« Bloody Nose »). Sous son air débonnaire, Michael J Sheehy souffre d’un mal qu’il semble contenir de plus en plus difficilement. Il arrive logiquement que la douleur soit à ce point intenable qu’elle sourd sous l’apparence d’une voix spectrale, habitant littéralement le corps de l’artiste (« Company Man », « Curse The Day », « Ghost On The Motorway »).

Pas étonnant, donc, qu’à silloner dans les limbes de la Mort on finisse par y croiser les fantômes de tous ceux qui, à une époque, ont joué avec Elle Outre-Atlantique. D’Elvis à Johnny Cash, d’Harry Powell à Tom Joad, de Robert Johnson à Clyde Berry, de Georgie Tilden (le Dahlia Noir ne lui dit pas merci) à Perry Smith (Truman Capote lui a vraiment dit merci), pas un seul ne manque à l’appel. David E. Edwards a enfin trouvé à qui causer avec ce nouveau venu au sein de l’écurie Glitterhouse. C’est Tom Waits qui doit se marrer de voir Nick Cave doublé par la droite, freiné par la surcharge pondérale de ses textes et aveuglé par sa mégalomanie.

En fait, une erreur s’est glissée à l’impression du livret. Le vrai titre de cet album est The Ghost Of Tom Joad On The Motorway.

– Son myspace (mortel…)