« When candles light themselves / And the air turns creamy / Why not take a photograph ? / You look so dreamy ». Les premiers vers donnent, d’emblée, le ton de ce septième album de Luna (après un live paru l’an dernier), assemblage d’impressions diverses, d’atmosphères singulières qui nous saisissent comme un rêve nous emporte. Depuis dix ans, le groupe de Dean Wareham (ex-chanteur et guitariste de Galaxie 500) poursuit l’exploration d’un rock à la fois classique et original, onirique et intellectuel.


Trop souvent, pourtant, on n’a voulu voir en cette musique qu’une entreprise nostalgique. Trop explicite dans ses références (Velvet Underground, Television), trop marqué par l’héritage du groupe-phare de Boston mais sans ce son si particulier, qui en faisait l’originalité la plus manifeste. C’est en ces termes que l’on reproche souvent à Luna de n’être que la pâle copie de ses ancêtres plus ou moins éloignés. Injustice que contribuera peut-être à réparer l’extraordinaire Romantica.

Avec Lunapark (1992), on découvrait une démarche artistique en formation, ne révélant sa substance – qui va bien au-delà des citations des maîtres – qu’après de nombreuses écoutes. Une subtilité précisément rendue possible par ce parti-pris du classicisme apparent, de la bonne vieille chanson à guitares sur trois accords, alliée comme il se doit, à l’atmosphère rêveuse héritée du Velvet. Le second volet de cette aventure, le lumineux Bewitched (1994), était déjà un coup de maître, tandis que Penthouse (1995), chef d’oeuvre inégalé, nous emmenait comme jamais dans les profondeurs de New York.

Ainsi, à chaque nouveau disque, correspondait la création d’une atmosphère toute particulière, la plongée dans un monde à part entière – impression confirmée par Pup Tent (1997) qui se distinguait cette fois de l’esprit new-yorkais pour s’intéresser à l’Amérique. Le dernier album studio de Luna, The Days of Our Nights (2000), nous avait pourtant déçus. Malgré quelques perles comme « Hello Little One » et « Superfreaky Memories », on ne retrouvait ni la cohérence des précédents opus ni leur beauté évanescente, sans doute ruinée par une production surfaite.

Romantica corrige cette légère erreur de parcours et redonne sans aucun doute à Luna sa place de groupe majeur. Avec ces douze petites merveilles pop, Dean Wareham, dont l’intelligence mélodique se vérifie une fois de plus, signe ici une réussite incontestable. L’entrelacement des guitares, mêlé à une voix évocatrice et à des paroles presque surréalistes (sans être dénuées d’humour), atteignent une harmonie et une beauté mystérieuse dont peu d’artistes peuvent se prévaloir aujourd’hui. Certaines chansons, telles « Black Champagne » ou « Swedish Fish », sont parmi les morceaux les plus réussis de la carrière du groupe. Un album de plus, qui poursuit et développe un véritable univers musical. On n’en soulignera jamais assez la profonde originalité.