Intimiste et boisé, les Fruit Bats sont les nouveaux ambassadeurs américains de la « coolitude ». L’héritage pop californien n’a plus de soucis à se faire.


Suite à l’essoufflement Grunge au milieu des années 90, on ne payait plus très cher de la peau du label Sub Pop, spécialiste de l’invasion indie rock made in Seattle (Nirvana, Soungarden, Mudhoney, Screaming Trees…). La maison partait en décrépitude et perdait petit à petit tous ses poulains, mis à part quelques fulgurences de temps à autres via Joe Pernice, Afghan Wigs, Damien Jurado…

Huit ans plus tard, le label a opéré une sérieuse remise en question de son catalogue et propose un choix éclectique d’artistes tel que Kinski, Hot Hot Heat (récupéré il y a peu par WEA), Iron & Wine ou The Postal Service. Le label historique fait donc un retour en force et cela fait plaisir.

Parmi cette nouvelle garde, on remarque avec étonnement une bonne poignée de folkeux en total contraste avec les temps glorieux électrisants : le génial Sam Beam (toujours Iron & Wine) en tête des favoris, mais il faut aussi mentionner les « seconds couteaux » Holopaw et Fruit Bats. Ces deux derniers sont d’ailleurs très proches musicalement parlant, développant un univers boisé teinté d’arrangements subtiles tels qu’une mandoline, des cuivres ou un xylophone. Ma préférence revient tout de même aux Fuits Bats, dont les mélodies dans l’esprit sixties apportent un charme suranné revigorant.

Originaire de Chicago, les Fuit Bats sont en fait un duo multi-instrumentiste : Gilian Lisee et Eric Johnson (ne pas confondre avec le guitar hero, spécialiste de la sept cordes, à moins que ce ne soit Steve Vai… mais en vérité on s’en fout). Si on sait peu de choses de la charmante Gilian Lisee, Eric Johnson connaît par contre un parcours plus singulier. Après avoir joué avec un sous-Velvet Underground, le bonhomme est ensuite recruté au sein de Califone pour ses parties de guitare et Banjo. Mais la passion du songwriting l’emporte sur sa condition de session man et il forme en 2000 The Fuit Bats, un projet solo dont le nom est emprunté à un side-project précédent. Quelques musiciens de la scène locale de Chicago viennent lui prêter main forte pour l’enregistrement de son premier album, dont Gilian Lisee. L’implication de cette dernière à l’élaboration de l’album sera si prédominante que Johnson décidera finalement de l’intégrer définitivement au sein du processus créatif. Les Fuit Bats version 3.0 étaient nés.

Echolocation, le premier album des Fruit Bats est paru voilà deux ans chez la structure indépendante Perishable Records (Califone, Joan of Arc). Il s’ensuit une tournée à travers les Etats Unis avec The Modest Mouse, The Shins et les Gorky’s Zygotic Mynci, puis en tête d’affiche. Mouthfuls, second album, est paru début avril aux Etats Unis chez Sub-Pop. La production est assurée par Brian Deck également présent sur Echolocation et connu pour ses travaux avec Califone, Modest Mouse et leur voisin de label Holopaw. A signaler aussi que l’homme était aux manettes du second album de Wheat, le génial Medeiros (1998), un de ces chef-d’oeuvre méconnus dont on espère que le temps contribura à réhabiliter un jour à sa juste valeur.

« Rainbow Sign », titre qui ouvre l’album, annonce la couleur : arpèges délicats, un piano à queue qui dessine les refrains et des choeurs enchanteurs. Si Eric Johnson chante et compose toutes les chansons, Gilian Lisee n’est pas moins relégué au bouche-trou. Son travail sur les vocaux et arrangements prend une place cruciale dans la musique des Fuit Bats. Sa voix notamment est complémentaire de celle de Johnson dont le grain se rapproche d’un Mike Love (compliment ou insulte, à vous de voir).

Incontestablement, ce groupe est un sérieux concurrent pour les High Lamas en matière d’élève studieux de Brian Wilson. Les choeurs, les instruments et l’ambiance qui se dégagent évoque les Beach Boys des 70’s –Sunflower et Surf’s up en tête – pas la période la plus pourrie donc.

Mouthfuls est un album délicat où les harmonies sont tout simplement cristallines, où survole une sensation de bien être contagieux. A écouter dans le métro pour éviter la grisaille ambiante.

-Un extrait MP3 d' »A bit of Wind »

-Le site officiel

– ainsi que chez Sub Pop