Vous qui n’osiez rêver d’un Arab Strap voguant vers des rivages plus folk, ne cherchez pas plus loin : Lazarus est fait pour vous. D’ores et déjà, un très grand chef-d’œuvre mineur, comme qui dirait l’autre.


Cachez ce sexe que je ne saurai voir! Le moins qu’on puisse dire, c’est que la première chose retenant l’attention sur Songs for an Unborn Sun c’est sa pochette – n’ayons pas peur des mots – très Olé Olé. Vous qui êtes en train de scruter le petit jpeg posé en haut à gauche de cette page, ne vous ruinez pas les yeux pour rien, votre humble serviteur est là pour vous en faire un topo. En gros, toutes les illustrations de l’album sont dans la veine des dessins de Lennon avec Yoko lorsque celui-ci se sentait encore transcendé par sa muse. Bref, dans des positions très – hum – suggestives, (ceux qui connaissent ces dessins savent de quoi je parle). Pourtant, Lazarus ne fait pas l’éloge de la luxure, mais tendrait plutôt vers la désillusion amoureuse morbide où la dépendance inéluctable.

Lazarus est en vérité le nom d’emprunt de Trevor Montgomery, déjà impliqué chez d’autres formations comme Tarentel et The Drift, à forte tendance « ambiant acoustique » et rock instrumental/expérimental. Ici le format des chansons est plus conventionnel puisque Montgomery pose sa voix sur des parties de guitares acoustiques colorées de triturages sonores et aux réminiscences très post-rock. Musicalement, on pense beaucoup au Elephant Shoe d’Arab Strap pour ce côté minimaliste, très souvent au bord de la cassure. Les paroles non plus n’ont rien à envier au prodigieux Aidan Moffett et nous confient quelques tranches de vie intimes dont on pensait le duo écossais seul détenteur de ce savoir-faire malsain.

Enregistré dans une chambre de Chinatown (San Fransisco) avec des moyens rudimentaires, Songs for an Unborn Sun est donc porté par de très lents arpèges et quelques sons qui nous ramènent à des groupes comme Tortoise ou Gastr del Sol. La sobriété remarquable de l’ensemble est soulignée par la production de Marty Anderson, initialement au sein de la formation Howard Hello, compagnon de label chez Temporary Residence (les dessins sont d’ailleurs de lui).

Voilà donc un album faisant l’apologie de l’auto-réclusion. On a l’impression de pénétrer dans un endroit privé dont nous n’avons pas vraiment été invité. Un peu comme si vous fouiniez sans permission dans la chambre de votre soeur, puis gêné d’avoir découvert certaines choses embarrassantes… Ce premier album peut être interprété comme une sorte de confession intime, un véhicule émotionnel permettant au protagoniste de dévoiler obsessions sexuelles et suicidaires.

Sur « Poets the liars », une voix féminine rocailleuse enveloppe celle en sourdine de Trevor Montgomery, trop occupé à parler de ses péchés. « All I wanted is to see your tears », ses mots résonnent comme une perte irréfutable d’espoir, et nous nous en délectons bien sûr. Puis cette présence fantomatique féminine revient hanter d’un bout à l’autre l’album, pendant que le chanteur-guitariste regarde par la fenêtre, attendant que quelque chose se passe (« Name »). Bien sûr il n’en ai rien.

Sur « Hero » le spleen est accompagné d’une mandoline et d’étranges sons de synthés, toujours en prenant soin de sonner magnifiquement cohérent. Les quelques notes arides de guitare acoustique retiennent l’attention des mélodies et permettent de maintenir un fil conducteur avec le reste des arrangements qui semble souvent eux voguer chacun par leurs propres moyens. Le tout procure un charme particulier dont on a du mal à se défaire.

Ce Songs for an Unborn Sun est donc le genre d’album à écouter dans son lit reclus dans obscurité, au risque de vous donner quelques idées mal-vertueuses. Du voyeurisme de bon goût qui rebutera certains mais ravira les amateurs du Rock Bottom de Wyatt et autres amateurs de rudesses mélodiques mal placées.

– Le site de Temporary Residence