Sous la coupe de son mentor Tricky, Martina Topley Bird revisite et s’approprie sur son premier album solo les genres soul, rock et trip hop. Entourée d’artistes de renom (Alex McGowan, Tchad Blake, Tricky, Queens of the Stone Age, David Arnold, David Holmes) la diva trip hop de vingt six ans affiche de solides compositions et laisse ses rivales loin derrière.


Sur la chanson introductive à l’album Quixotic, on entend une voix de femme à la fois profonde et légère sur un tempo soul. Puis, sur la chanson suivante, cette même voix se fait plus tendue sur un beat rock, mais toujours aussi sensuelle. A l’écoute de cette chanson « Need one », on se dit que le disque que nous tenons entre les mains est un album de Tricky tant l’univers emprunté ici est très proche de celui du bristollien. Puis sur la longueur, les chansons prennent une direction plus personnelle et présente Martina en maîtresse des lieux et non plus en égérie du son trip hop ou muse du marionnettiste Tricky.

Pourtant on ne peut pas parler d’invention d’un genre, puisque sur ce premier album la voix possédée de « Makes me wanna die » sur Pre-Millennium Tension (1996) revisite les styles musicaux qui lui sont le plus proche à sa manière. Ainsi, « Lullaby » se laisse bercer par une sorte de blues électronique au ralenti. « Too tough to die » prend au contraire le contre-pied en délivrant les riffs de guitares de leurs sempiternelles grilles d’accords.

Martina Topley Bird a été à bonne école, celle où on déconstruit pour mieux reconstruire, pour s’approprier autant les rythmes à la limite de la cassure. Même si Tricky et David Holmes pilotent l’album en main de maîtres, Quixotic ne trouverait pas son envol sans la voix de Martina. Instrument jamais mis autant en valeur que depuis l’album Maxinquaye, cette voix se marie aussi bien avec le trip hop « ragga », le rock de « I wanna be there » ou le très explicite « soul food ».

Tout au long du disque, la jeune maman débroussaille ses influences et invente son propre langage, une grammaire musicale où l’écriture des morceaux s’affine avec l’ambition stylistique. Ici la musique devient lascive, éclairée, quelque part entre Macy Gray et Jill Scott. Ou bien encore, Quixotic peut être considéré comme le versant ensoleillé des albums de Tricky.

Les compositions reposent sur une écriture rigoureuse, servie par une production et des collaborations qui mélangent clarté et ombre, ne se contentant pas simplement de singer l’électro-pop comme la plupart des brocanteurs du son eighties du moment.
Cependant, même si la méthode a été apprise avec soin, on aurait souhaité un peu plus de liberté dans les morceaux, un peu plus de bousculade dans les genres comme quitter les territoires trop bien définis de la pop.
Sans pour autant entrer dans le rang, les chansons de Quixotic gagnent quelques charmes organiques pour toucher la grâce par moment. Car le grand mérite de ce disque est de hanter la mémoire une fois les mélodies évaporées.

Maintenue dans l’ombre de Tricky depuis pratiquement dix ans, Martina Topley Bird s’ouvre à la lumière et tout espoir d’éclat lui est enfin permis. Dommage que peu de filles osent affronter les profondeurs de la musique avec autant d’aisance.

– Le site de [Martina Topley Bird->http://www.martinatopleybird.com/
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