Elliott Smith ayant décidé de nous laisser orphelins, cette chronique s’est imposée d’elle-même comme une évidence. C’est un peu ma manière de remercier ce grand monsieur pour avoir illustré quelques souvenirs chers (agréables et d’autres moins) qui resteront certainement ancrés dans mon esprit jusqu’à la fin.

Pour les amateurs du songwriter d’Omaha, Heatmiser était le groupe de rock d’Elliott Smith avant son monumental Either/or. Qualifié de super groupe incluant Neil Gust (No. 2), Sam Coomes (Quasi) et Tony Lash, (devenu depuis ingénieur prisé dans le cercle rock indé US, notamment pour les Dandy Warhols et Death Cab for CutieÂ…), les trois albums du quatuor sont souvent décrit comme grunge, voire fugazien. A tort et à travers d’ailleurs, car peu de gens ont vraiment écouté ce qu’il en était réellement. S’il est vrai que les deux premiers albums du groupe font dans la déflagration subtile, Mic city sons, ultime album du groupe, n’est pas du même tonneau. Hormis deux ou trois passages faibles, cet album est un must pour tout amateur de mélodies riches et singulières.

Sorti en 1996, soit un an avant Either/Or, Mic city Sons voyait le groupe prendre un virage artistique différent et décélérer volontairement le tempo pour s’ouvrir vers un champ pop plus sophistiqué.
A cette époque, Smith avait déjà enregistré deux albums solo au succès d’estime confiné, sans réel impact médiatique. Cette expérience intimiste semble avoir eu un fort ascendant sur la nouvelle direction du groupe.
Tous les titres sont co-écris avec Neil Gust son alter-ego au sein d’Heatmiser, mais on peut sensiblement reconnaître la patte du maître : A Smith d’écrire les petites pépites pop, Gust se charge des plus relevées. Et quel festival. La qualité d’écriture de notre préféré est déjà ENORME et préfigure les sommets en solo. Il suffit de se pencher sur « Pain Clothes Man » pour comprendre que le génie de ce coeur d’artichaud au physique bourru avait atteint maturité. L’album décèle bien en tout cinq ou six musts de ce « mélancoliste » surdoué.

Les passages rock sont dans l’ensemble assez discrets et la part belle est laissée aux mélodies folk/pop. Certains titres comme l’imparable « Low – Flying Jets » laissent pourtant encore entrevoir une petite étincelle électrique mêlée aux progressions d’accords plus douces et si spécifique à Smith. « The fix is in », composition personnelle à la beauté suffocante, mérite à elle-seule que l’on se repenche expressément sur cette galette.

De son côté, Neil Gust est aussi un songwriter capable de ressusciter l’esprit du Velvet sur le charmant « Eagle Eye », et d’écrire d’autres passages plus envolés comme « Cruel Reminder », certes pas comparables avec son compagnon, mais honorables. L’amitié d’ailleurs entre les deux hommes perdurera après l’arrêt d’Heatmiser, Smith continuera de travailler sur les autres projets de Gust (notamment avec son nouveau groupe N°2) et réciproquement. Pour l’anecdote, c’est également son vieux compère qui fut à l’origine de la pochette d’Either/or.

L’album se termine sur le bouleversant « Half Right » (bizarrement non présent sur le tracklisting !), assurément un des titres les plus poignants de Smith, toutes périodes confondues.
Le disque terminé, je repose le cd dans le boîtier et regarde une dernière fois la pochette : un avion décolle et nous invite à croiser dans le ciel ce grand frère que l’on ne s’attendait décidément pas à voir partir aussi tôt. Quel gâchis.

Tracklisting :
1. Get Lucky 2. Plainclothes Man
3. Low-Flying Jets 4. Rest My Head Against the Wall 5. The Fix Is In
6. Eagle Eye
7. Cruel Reminder
8. You Gotta Move
9. Pop in G
10. Blue Highway
11. See You Later
12. Half Right