C’est à un disque très intimiste que nous convie Dean Roberts, qui, toutes proportions gardées, fait étrangement penser à l’évolution qu’a suivie le chanteur de Talk Talk, Mark Hollis. Du bonheur simple.


A la tête du trio post punk Thela, puis de White Winged Moth, Dean Roberts est un guitariste néo-zélandais atypique qui vit aujourd’hui à Vienne, en Autriche, et qui a enregistré Be Mine Tonight à Bologne, en Italie. Multi-instrumentaliste (guitare, piano, percussions, basse, harmonium) talentueux, il est entouré ici de musiciens italiens tels que le compositeur Valerio Tricoli, les guitaristes Giuseppe Lelasi et Christian Alati, et Antonio Arrabbito à la batterie. C’est d’ailleurs à une batterie toute en finesse que l’on a affaire ici, et l’on pense à ce que nous livrait Talk Talk en fin de carrière (Spirit of Eden et Laughing Stock), à savoir des sortes de musiques d’ambiance très inspirées par la musique classique et le jazz lascif.

Composé en tout et pour tout de quatre titres, ce disque s’écoute comme un disque classique, c’est à dire qu’il exige de son auditeur une attention soutenue, mais qui finira par vous détendre. En ce sens, il remplacera au pied levé l’ostéopathe ou la cure de thalasso qui vous pompe une si grosse partie de votre salaire, et ce à peu de frais.

Dès le titre d’entrée, « All pidgins sent to war, palace of adenaline v and e.e. », on est plongé dans un univers très calme, où le moindre son prend une dimension mélodique assez intense, et les envolées guitaristiques de Giuseppe Lelasi, légende de la guitare d’improvisation au pays de la pasta asciuta, sont d’une beauté assez rare. Le chant éloigné de Dean Roberts rappelle quant à lui les meilleurs moments de groupes comme Smog ou Tindersticks qui jouent déjà avec ce type de musique du moi.

L’observation sonore, car c’est ainsi que l’on perçoit de plus en plus le résultat auquel sont arrivés les quatre musiciens, invite à la sieste et à tous ces petits bonheurs que chacun de nous s’offre sans savoir qu’il se les offre, d’où leur lucidité pure d’ailleurs. On sent chez Roberts qu’il est déjà loin dans la recherche musicale du « comment exprimer ses sentiments, ses émotions, voire sa pensée » à travers l’improvisation instrumentale collective. C’est très intéressant comme concept ceci dit, car il y a peu de musiciens dans le rock qui tentent de mettre leurs idées par « musique » après l’avoir fait par écrit.

La fin du deuxième titre, très vive mais trop courte, nous laisse cependant sur notre faim, car il semble qu’ils auraient pû, ne serait-ce qu’un instant, se lâcher bien plus longtemps afin de nous desservir une musique rock contrastant l’ambiance générale du disque mais mettant en même temps en valeur la tranquillité, le calme, voire le silence. On peut aussi regretter une utilisation poussée, répétitive et du coup parfois lassante de la cymbale (qui donne ce son invitant à la sieste).

Enfin, « Letter to Monday » est un adagio qui se transforme peu à peu en un allegretto jouissif et festif pour se laisser mourir avec le bruit de la fin de la bande magnétique qui sort de son essieu et laisse entendre son bruit caractéristique de fin de sieste. Fin de bonheur.

-Le site de Kranky