Imaginez un instant ce que pourrait donner la réunion de membres de Rilo Kiley, Azure Ray, Ozma et The Postal Service. Blake Sennett a eu la chouette idée d’inviter tout ce beau monde autour de son projet The Elected pour un album où plane le fantôme d’Elliott Smith.


Sur le papier, The Elected a de quoi allécher les papilles des amateurs de poprock.
Jugez vous même: trois membres de Rilo Kiley, Blake Sennett, Jason Boesel et Jenny Lewis, rencontrent Daniel Brummel de Ozma, Schmed de Arlo, Orenda Fink d’Azure Ray, le tout sous la coupe de Mike Mogis (producteur de Bright Eyes, The Faint) et Jimmy Tamborello (The Postal Service, DNTEL).

De cet impressionnant line-up du groupe où chaque membre présente un cv à faire pâlir d’envie bon nombre d’artistes, on s’attend à entendre un disque palpitant. Pourtant, on recule l’échéance de l’écoute de peur d’être déçu. Car on ne compte plus les albums composés par des musiciens au riche palmarès qui une fois sur la platine se sont révélés sans âme, perdus dans une cacophonie d’egos qui ne se sont pas entendus.

Afin d’éviter de tomber dans un disque concept, The Elected est avant tout le projet de Blake Sennett qui a convié à sa fête quelques amis dont certains se sont chargés de l’animation.

Dès le premier titre « 7 september 2003 », un ouf de soulagement nous envahit. L’alchimie entre les convives fonctionne et dès lors on sait que l’atmosphère qui nous a tant plu chez les groupes sus-cités se reproduit ici.
Une pop mâtinée de country-folk se dégage de chaque composition et se répand comme un parfum enivrant dans chaque pièce d’une maison où résonnerait Me First.

A cette vertu envoûtante s’ajoute une pincée nostalgique. Comment ne pas penser à Elliott Smith dont le fantôme habite les chansons (l’enregistrement de l’album s’est fait dans son ancien studio New Monkey) et la voix de Blake Sennett se fait l’écho.

Des titres comme « The miles ’til home », « Greetings in Braille » ou encore « A response to greed » auraient pu se retrouver sur XO ou Figure 8 tant elles partagent le même goût pour cette pop distinguée aux allures de dandy céleste dont Elliott Smith était l’un des meilleurs représentants. Reprenant le flambeau de ces torch songs, The Elected témoigne d’une maîtrise dans l’art de l’écriture. Rien n’est laissé à l’approximation, chaque instrumentation est choisie avec une justesse remarquable, chaque pause, chaque souffle justifiés afin de mieux aérer les chansons, les rendre dansantes.

Me First est un disque qui sent bon l’air frais, qui donne envie d’ouvrir les fenêtres et de reprendre en coeur avec ses voisins les mélodies écrites par cette troupe joyeuse. On doit en partie ce résultat à un travail parfait de production signé Mike Mogis qui a su éviter les pièges de grandiloquence pour insuffler une sorte de sobriété qui donne aux chansons cette dimension intemporelle.

Les chansons de Blake Sennett sont faites pour être fredonnées à tout moment. Il suffit de savoir rêver pour entendre ces musiques dans la tête et en être accompagné toute la journée. De cette bande son animée par une rythmique en perpétuel équilibre résulte une pop détachée, légère et raffinée où se croisent l’euphorie et la mélancolie.

En quête de savoir et d’expérience, les musiciens qui se cachent derrière le projet The Elected sont avant tout des boulimiques de musique, bouillonnant d’idées. De ce dialogue entre les têtes pensantes de groupes aussi attachants que Rilo Kiley, Azure Ray ou The Postal Service jaillit une passion commune pour ces vastes espaces vierges qui bordent le folk et le blues. En empruntant à la musique américaine ces plus beaux paysages sonores, Sennett et sa bande retracent l’histoire du songwriting et parsèment son récit de grands frissons.

Suspendu entre ombre et lumière, Me First renvoie l’image d’une formation qui a su à la fois disperser et rassembler ses forces. En restant uni et cohérent, The Elected emmène l’auditeur sur un terrain, certes déjà emprunté mais fertile en émotions. Et dire qu’avant écoute on appréhendait le résultat, si tous les albums pouvaient nous surprendre ainsi la pop en serait moins terne.

Le site de The Elected chez Sub Pop