Le commandant Sharko vient d’accoster à bon port avec dans ses cales plein de jolies pop songs ridiculement géniales. Avec Sharko c’est simple, on se sent bien, on se sent bête mais heureux.


Alors voilà, il va falloir rendre des comptes. Depuis le début de l’année 2004, la concurrence amicale entre la France et la Belgique n’a plus lieu d’être. Les Belges nous ridiculisent : d’un côté la France avec « 0 » albums convaincants depuis près de cinq mois. De l’autre, les jeunes valeurs et autres valeurs sûres (Girls In Hawaii, De portables…) se relaient inlassablement pour délivrer des albums tout bonnement indispensables. Avouez qu’on est un peu à la traîne en ce moment.

Dans l’ordre des choses, Sharko vient de sortir son troisième et meilleur album. De Sharko, on avait retenu Feuded (1998), premier album un peu brouillon mais attachant, puis un second bien plus convaincant Meeuws et son album de remixe en 2002 (on garde d’ailleurs toujours en mémoire cette pochette dans l’esprit 80’s assez repoussante).

Depuis ses débuts, le trio Belge repose sur la personnalité un peu atypique de David Bartholomé. Traumatisé par un exil de cinq ans aux Etats-Unis où il croisera en chemin Dinosaur JR et quelques autres empereurs de la guitare noisy, ce multi-instrumentiste farfelu en gardera de grosses séquelles.
Oui, notre homme est un peu cinglé. Il suffit de se pencher sur son site internet pour constater que ce joyeux trublion s’amuse à polluer ses rubriques avec des commentaires qui n’ont ni queue ni tête. St Barthélémy aime bien, par exemple, faire des classements étranges ou bien dénoncer le pire plagiat de tous les temps (« Eternal flame » par Shakira, rebaptisé « Underneath my clothes »). Quelques coups de folie le poussent à envoyer des bribes de phrases sur son carnet de bord à la gloire de Hulk ou du diablotin Angus Young.
Bref, on ne sait pas trop où il veut en venir, mais tel un Don Quichotte combattant les courants d’air, on aime observer ce curieux bonhomme.

Jusqu’à présent, on ne s’était pas trop rapproché des Bruxellois pour cause de manque d’affinités ou de coup de foudre absent, et ce malgré une réputation scénique où la grandiloquence de David Barthélémy prenait toute son ampleur. Alors il faut l’avouer, à l’heure où tombe ce disque dans notre boite aux lettres, on avait un peu oublié Sharko. Et c’est bien dommage, car ce troisième album est un véritable cadeau du ciel. Barthélémy et son fidèle compagnon Teuk Henri se sont véritablement surpassés pour nous écrire une jolie collection de refrains marrants et captivants. Une seule écoute suffit pour tomber raide amoureux de ce disque, pourvu que vous ne répariez la tuyauterie au même moment.

Ce Sharko troisième du nom commence un peu comme du Tom Waits, avec un titre bancal chanté a capella en guise d’intro, bientôt rejoint par une fanfare. Et puis vient « Spotlite » étrange pop-song où quelques relents de mandoline donnent un caractère particulier à ce joyeux bordel. Pas très très loin, « Sing LA » nous refait le même coup et nous promène vers ses petites mélodies bric-a-brac tellement irresistibles. Entre folk troubadour et guitare noisy, impossible de ne pas écarter ses neurones de ses « la-la-la » festifs et contagieux. Car si Sharko possède un don, c’est bien celui de pondre des refrains exaltés tout en conservant une certaine dose d’amateurisme emprunté à la noisy rock US.

Il faut le dire, « Excellent » est tout bonnement exce…ptionnelle. Une mélodie saturée finaude qui nous tient jusqu’au bout et qu’on se surprend à siffloter dans le métro. « President » est une ballade poignante accompagnée par un violoncelle du plus bel effet. Là encore, la voix de Bartholomé fait merveille – parfait mélange de J. Mascis et Jason Lytle – fait mouche à chaque fois.

Les guitares sont rigolotes, souvent saturées mais sans nous saturer non plus. Certains passages font penser parfois à Deus en peut-être moins mature, mais Sharko parvient à s’extraire du sillon et possède réellement une personnalité assez atypique.

Plus maîtrisé, mais toujours aussi imprévisible, le rock barré de Sharko confirme qu’on tient là le meilleur groupe de rock Belge en l’absence de Deus. Allez régressons un peu : En l’absence de Deus, Sharkozy veille.

-Le site de Sharko