Cet excellent quintet originaire du Texas a su ouvrir son champ d’action vers des arrangements plus sophistiqués, tout en ne dénigrant pas ses mélodies teintées d’une mélancolie fédératrice.


Voilà bien trois ans que nous n’avions plus de nouvelles de ce sympathique quintet spécialiste des guitares désarmées, teintées de country. Comme de figure, il semble que ce silence prolongé soit non pas un choix prémédité mais bien le train-train de bien des groupes de ce gabarit : excellents mais sans non plus surpasser les kadors du genre (Sparklehorse, Red House Painters, Wilco…), les voilà condamnés à galérer, bourlinguer de label en label, faute de chiffres mercantiles. Chose injuste, car Pleasant Grove, joli nom emprunté à une banlieue de Dallas, gagne à être connu et mérite meilleur traitement.

Déjà auteur de deux très beaux albums chez les allemands de Glitterhouse, cette formation originaire du Texas a depuis ré-émigré de l’autre côté de l’Atlantique vers un label prestigieux, Badman Records. Un hébergement confortable au sein d’une structure petite mais prestigieuse (James William Hindle, Mark Kozelek, Hayden, My Morning Jacket…), qui signifie peut-être bien la fin de galères. En tout cas, The Art Of Leaving peut sans conteste contribuer à pousser Pleasant Grove vers un changement de statut plus approprié.

Ce troisième album a connu deux étapes d’élaboration bien distinctes, et cela se sent sur la longueur. Une première partie a été enregistrée à San Francisco, avec Dylan Magierek (Mark Kozelek, Call and Response, Erlend Oye), le reste à Dallas, avec Stuart Sikes (The Walkmen, The Grifters et The White Stripes).

Cet intrigant choix de producteurs de rock assez complémentaires – l’un plus porté vers la douce mélancolie et l’autre plus habitué à pousser les potards au niveau 11 – semble avoir joué beaucoup sur la couleur du disque. On ne sait pas quel titre a été joué sur telle ou telle session, mais il se détache de l’ensemble deux styles assez représentatifs. La première partie reflète une mélancolie rock douce-amère, où les sons de guitares claires de Telecaster prennent le pas, développant quelques passages plus sophistiqués qu’à l’accoutumée. L’autre versant est plus roots et proche du répertoire d’auparavant, une beauté simple accompagnée d’une guitare folk ou d’une pedal-steel, voire d’un orgue hammond (le très country « Only a Mountain »).

Le titre qui ouvre l’album, « Elaborate Son », donne l’impression d’être à mille lieues de ce parfum rupestre développé sur l’album précédent, Ausculation of the Heart : le son est résolument plus rock et développe des textures à la fois complexes et obscures. Cette nouvelle direction ne déplait pas, au contraire, elle donne peut-être ce petit cachet d’originalité qui faisait défaut au groupe. Les compositions à fleur de peau sont toujours là, mais traitées avec un son résolument plus spacieux, tout comme sur le très prenant « Impossible ».

Le chant, toujours partagé entre Bret Egner et Marcus William Striplin, semble aussi plus alterné. Si tous deux n’on pas un grain de voix à la hauteur d’un Mark Kozelek, ils savent procurer une émotion nullement remise en question (le possédé « Tug of War »).
Petit à petit, le disque bascule en douceur vers ses premiers amours, égrainant des ballades countrysantes de toute beauté, parfois agrémentées d’un violon soliste du plus bel effet (« Calculated approaches », « Cone Equation »).

Arrivé en bout de course, on hésite à ranger cette musique entre pop tristounette, slow-core et country atmosphérique. Finalement, Pleasant Grove fait preuve d’une richesse de sentiments qu’on ne soupçonnait guère auparavant et rafle et assez facilement la mise grâce à quelques tours de passe-passe exécutés avec maestria.

-Le site (assez pauvre) de Pleasant Grove

-Le site de Badman