Début mai, les Shins, nouvelle sensation indie pop US étaient de passage à Paris. Quelques mois après la sortie de leur plebiscité second album Chutes Too Narrow, vous comprendrez qu’il était pratiquement impensable de passer à côté d’un événement pareil. Rencontre avec les nouveaux ambassadeurs de la pop noble.


Un joyeux bordel règne dans les loges de la Boule Noire. Quelques minutes avant de rentrer sur scène c’est l’effervescence. La faute à qui ? Le groupe, paraît-il, est très dissipé et serait difficile à appréhender en interview. Les confrères précédents sont sortis éprouvés de l’entretien par ces diablotins, incapables de tenir trente secondes sur une chaise. Il faut dire que nos lascars sont arrivés cet après-midi d’Espagne en bus. Finalement, plus de peur que de mal, les Shins sont des musiciens adorables qui veulent bien discuter, malgré le peu de temps imparti. Enjoy !

Pinkushion : C’est la première fois que vous jouez en France, où vous êtes pour l’instant peu connus. Quel effet cela vous fait de jouer à la Boule Noire ?

James Mercer (chant, guitare) : C’est bien. Nous sommes juste heureux d’être ici. Nous n’avons jamais tourné en Europe jusqu’à maintenant et nous sommes très excités par cela. C’est un peu comme « to drop a ball in the city » (trad : larguer une bombe en ville). (NDLR : les autres rigolent).
Je pense que nous aurions du venir ici l’année dernière, parce que notre disque sortait dans le monde entier, malheureusement nous n’avons pas saisi la chance de venir en Europe à cause de circonstances indépendantes de notre volonté. Nous étions incapables de pouvoir organiser une tournéeÂ… (ton amer)

Votre premier album Oh Inverted World, n’a pas été distribué en France non plusÂ…


James Mercer : Oui, je ne sais diablement pas pourquoi.

Dave Hernandez (bassiste, clavier) : Oui c’est un peu comme larguer une bombeÂ… (allusion moqueuse à l’expression de Mercer tout à l’heure)
James Mercer : Espèce d’enfoiré ! (rires)

Vous êtes sur le label de Seattle Sub Pop, qui vit actuellement une sorte de résurrection avec plein de nouvelles signatures d’artistes passionnants. Est-ce que vous vous sentez connectés ?


James Mercer: Oui, on adore The Postal Service, All Night Radio, The Beachwood SparksÂ…
Nous sommes liés à ces groupes-là.

J’ai lu dans un magazine que les Shins sont nés lorsque le second guitariste de Flake Music (groupe précédent des deux membres des Shins) a quitté le groupe. Est-ce vrai ?


James Mercer : Non, pas vraiment. Les Shins ont d’abord commencé en tant que Side-Project. Nous avions un groupe qui s’appelait donc Flake Music. De mon côté, j’écrivais quelques chansons dans mon coin que j’enregistrais à la maison. Et puis, Flake s’est séparé pour différentes raisons, mais l’une d’elle était que je voulais construire quelque chose sous l’entité The Shins. Pendant un moment, à la place de Dave (Hernandez) nous avons eu Neal Langford au sein de The Shins. Il y a eu une confusion pour les gens, ils ont pensé que The Shins était exactement le même groupe que Flake Music. Certains ont juste pensé que nous avions changé notre nom, mais ça n’a rien à voir. Ce que nous faisons maintenant est différent.

Le premier album de Flake Music était plus porté sur la noisy pop, mais cela reste un excellent album. On pouvait déjà cerner quelques dispositions pour le genre de musique que vous faites maintenantÂ…


James Mercer : Flake était un effort collectif, tout le monde participait et beaucoup de chansons fonctionnaient comme cela.

Marty Crandall : (clavier, guitares) Il y avait aussi une grande spontanéité dans tout cela.

James Mercer : Oui, c’est vrai, souvent les morceaux partaient d’une simple jam – ce qui était plutôt cool.

Et maintenant donc c’est différent ?

James Mercer : Oui. Maintenant, on fonctionne comme ceci : je suis chez moi, je m’assoie et j’écris seul avec ma guitare dans mon coin. Ensuite, lorsqu’on rentre en studio, je leur joue les morceaux et ils rajoutent leurs parties. On collabore davantage sur la production des chansons, sur l’enregistrementÂ…

Vous êtes seulement quatre, mais votre musique est très dense. Passez-vous beaucoup de temps à travailler sur les arrangements ?


James Mercer : Merci du compliment ! Oui, nous passons beaucoup de temps en studio pour embellir cet aspect de notre musique. Je pense que nous essayons en quelque sorte de toucher différents styles. C’est une chose que j’adore dans les disques des Beatles, ils faisaient toujours des choses intéressantes. Ils n’essayaient pas seulement de faire des rock n’roll songs, ils écrivaient aussi des chansons qui les poussaient à changer de registre.

Sur Chutes Too Narrow, il semble que vous avez laissé des côté certains effets du premier album, comme cette réverbe qui était omniprésente sur Oh Inverted World. Est-ce que c’était un choix délibéré ?


James Mercer : Je pense que c’est plutôt un processus naturel, car nous avions un bien meilleur équipement sur le nouvel album et tout sonnait déjà sans que nous ayons besoin d’en rajouter. Sur le premier album, j’avais du matériel vraiment pas cher, et j’essayais perpétuellement de mettre des effets pour cacher certaines faiblesses et afin que cela sonne bienÂ… Nous avions un tout petit budget.

Après coup, penses-tu que c’était une bonne chose que d’avoir un petit budget pour l’enregistrement du premier album ?


James Mercer : Oui , j’aime la manière dont sonne Oh Inverted World. C’est sans doute parce que j’ai vraiment passé un temps fou dans la production pour faire en sorte que le disque soitÂ… écoutable.

Beaucoup de journalistes ont comparé le son des Shins avec celui des Kinks. Quelle est votre réaction par rapport à cela ?


James Mercer : Je suis curieux de savoir de quel type de chanson ils parlent. J’adore les Kinks, et je suis fier d’être comparé à eux, mais je ne suis pas sûr qu’on sonne comme eux.

Comment catégoriseriez votre musique ? Power Pop ?


James Mercer : Que veux-tu dire par Power Pop ?

Je pense à des groupes comme Big Star, très mélodiquesÂ…


James Mercer : Ha oui ! Je vois ce que tu veux direÂ… Je pense qu’on est un rock n’roll band.

Marty, de quelle manière contribues-tu à la musique de James ?


Marty Crandall : (mal à l’aise) Il écrit les chansons et les chante avec sa guitare, ensuite j’interviens dans les arrangements de guitareÂ…

James Mercer : (qui reprend le flambeau) il collabore aussi pour les mélodies, les vocauxÂ…

Vous passez beaucoup de temps sur l’élaboration de vos chansons. Quand vous enregistrez une do vos chansons en studio, avez-vous une idée préétablie de comment cela sonnera sur scène ?

James Mercer : Oui, je pense. Spécialement sur Chutes Too Narrow parce que nous avons passé plus de temps ensemble. Il y a davantage d’efforts en commun que sur le disque précédent. Alors c’est bien plus facile de savoir comment cela sonnera sur scène. Parce que nous avons Dave, et il joue quelques parties de guitare qui sont à la base sur le disque, c’est donc plus facile pour nous de jouer d’autres parties.

Tu veux dire inclure des parties de clavier ?


James Mercer : Oui, absolument. Il y a beaucoup choses qui sont différentes sur scène, mais cela ne nous soucie guère. Je pense que les gens qui viennent au concert sont là avant tout pour voir jouer un groupe et entendre quelque chose de nouveau. Il n’y a pas beaucoup d’intérêt à rejouer le disque à la note près.

Il semble que sur Chutes too Narrow vous ayez pris un certain soin à peaufiner les harmonies vocales, bien plus complexes que sur Oh Inverted World. Comment cela s’est-il passé ?


James Mercer : Je ne sais pas. Mon songwriting a un peu évolué depuis le premier album, et Phil Ek, le gars qui a travaillé avec moi sur l’album (ndlr : crédité sur l’album en tant qu’ingénieur du son) m’a vraiment aidé, sur les vocaux notamment. Je suis assez timide quand je produis et j’ai tendance à baisser le volume de ma voix sur la console (sourire). Sur le premier album en particulier ! Phil a essayé de monter un peu le sonÂ…

Les effets sur la voix sont assez différents du premier album. On ne reconnaît pas trop ta voix sur ChutesÂ…auparavant, elle était noyée dans une sorte de reverb très sixties, ce qui procurait un certain charme.


James Mercer : J’utilisais beaucoup de delay (ndlr : écho) à cette époque. Parfois j’utilise aussi un phaser, pour les choeurs ect. Mais c’est vrai qu’avant j’utilisais davantage de réverb et un peu de delay. C’est juste une production différente maintenant.

Pour terminer pourriez-vous me donner un album criminellement surestimé ?


(Les trois sont pliés de rire à l’écoute de la question!)

Marty Crandall : Attends une minuteÂ… Appetite for Destruction des Guns and Roses. Quelle purge ! (les deux autres rient de plus belle !).

Et vos cinq albums indépendants préférés ?

(Longue réflexionÂ…)

James Mercer : Bust’em Green d’Henry’s Dress, c’est un fantastique groupe de shoegazing pop, l’album n’est plus disponible malheureusement. Quoi d’autreÂ… Isn’t anything de My Bloody Valentine, est ce que c’est trop vieux ? Psychocandy des Jesus and Mary Chain. Ocean Rain d’Echo & The Bunnymen. Enfin, Ocean Beach des Red House Painters.

The Shins, Chutes Too Narrow (Sub Pop)