Impressionnant de maîtrise, le premier album de ce groupe crépusculaire est une réussite incontestable, un pavé dans la mare du rock britannique. Malgré un pessimisme affiché, l’avenir s’annonce excitant.


L’histoire d’Hope of The States ferait presque passer les frasques des Libertines pour des inoffensifs Belle & Sebastian. En effet, le tragique suicide du guitariste James Laurence durant l’enregistrement de leur premier album en janvier dernier – retrouvé pendu dans un coin du studio – avait réanimé les tristes clichés rock n’roll que l’on pensait éteints depuis feu Kurt Cobain. Leur goût prononcé pour le macabre (clips interdits d’antenne sur MTV) et leur musique, semblant tout droit émerger des profondeurs de l’ombre, n’ont fait qu’accentuer le mystère qui plane autour de ce groupe.

Jusqu’à présent, Hope of the States reste le groupe d’un premier single insurpassable, l’époustouflant, « Black Dollar Bills ». Le morceau en question, mini-symphonie rock, imposait une vision bien noire et des envolées épiques empruntées à Godspeed You Black Emperor ! Catapulté (énième) espoir anglais par le NME, beaucoup y ont vu un sérieux prétendant au trône de Radiohead, et pour une fois c’était justifié.

Un an et trois singles plus tard, le groupe sort enfin ce premier album dans le tumulte, hanté par la mort de son guitariste, dont l’album lui est évidemment dédié. La mort, il en est d’ailleurs souvent question ici où tout prédispose à vous plonger dans une ambiance déprimante, mais non dénuée d’un charme hypnotique. Le visuel d’abord où quelques dessins de parties de l’anatomie humaine sont passées au crible, comme dans les vieux grimoires de médecine.

Second point qui obnubile nos anglais, les Etats Unis, grande thématique de The Lost Riots : Hanté par le cauchemar capitaliste de Georges Bush JR, une pochette noire, lugubre, illustre un New York corrompu par l’argent, digne de ce que John Carpenter prédisait 20 ans plus tôt, avec barbelés et patrouilles aériennes militaires à l’appui. Le groupe entretient d’ailleurs un rapport amour/haine fascinant avec l’Amérique, d’où il tire d’ailleurs la plupart de ses influences musicales. Rien que les titres des chansons, « 1776 », (date de la déclaration d’indépendance des Etats Unis), ou bien « Georges Washington », se passent de commentaires.

Si les propos ici sont lourds de sens, la musique aussi est très chargée. Magnifiquement produit par Ken Thomas, remarqué entre autres pour son travail chez les Islandais du groupe Sigur Ros, (l’homme est également crédité – pour la petite histoire – en tant qu’ingénieur du son sur le Pink Flag de Wire), l’homme est parvenu à obtenir un son massif, énorme, sans jamais sombrer dans la symphonie grotesque.

Pour un premier album, The Lost Riots possède déjà une grammaire à part entière et reste très cohérent de bout en bout. Pour les non-initiés, l’écoute de l’introduction épique « The Black Amnesias », pourrait laisser penser à un groupe fortement influencé par les canadiens de Constellation, l’usage pratiquement omniprésent d’un violon y est pour beaucoup. Mais il suffit de continuer sur la seconde plage pour comprendre que ce groupe est bien plus intéressant qu’il n’y paraît. « Enemies/Friends », impose une puissance massacrante, le chant fragile de Sam Herlihy apportant un croisement improbable entre Mercury Rev et GYBE !. Les deux premiers singles ont d’ailleurs été complètement retravaillés pour l’album. Si la nouvelle version d' »Enemies/Friends » est supérieure à l’originale, « Black Dollar Bills » prend par contre du plomb dans l’aile, surchargée par un un arsenal balourd de guitares saturées. Regrettable.

Les ballades crépusculaires sont légions sur ce disque (toutes très belles), qui réserve aussi quelques bonnes surprises, avec quelques nouvelles pistes plus pop explorées ici et là : parsemé de parties de piano mémorables, tel « Sadness on My Back » et ses explosions de saturations pyrotechniques, ou bien le poignant « Don’t Got to Pieces », l’espoir des états démontre un talent de songwriting supérieur. « George Washington » offre même finalement une note positive d’espoir avec des accents folk empruntés à la guerre de cessesion, que l’on retrouve également sur « 66 Sleepers to Summer ».

Leur prestation scénique vaut également le détour paraît-il, emporté par une musique cataclysmique, le groupe se présente sur scène tels des soldats vêtus d’une tenue militaire, appuyés par des images d’apocalypse nucléaire. C’est d’ailleurs ce qui nous vient le mieux pour évoquer la musique de ce groupe.

Avec un album incontournable, Hope Of the States rejoint le peloton de tête britannique avec Franz Ferdinand et reste le challenger le plus pertinent contre la suprématie rock US.

Le site officiel d’Hope of the States