Are + B se donne à lire de deux façons : une nouvelle manière de voir le R & B, mais aussi une manière de faire une introspection tout en gardant le sens de l’humour…


Quand on a à chroniquer le disque de quelqu’un qui a sorti en single « Mickey Mouse Mothafucker », on ne sait pas trop si on est béni des dieux ou des diables… Quand en outre on voit dans quel accoutrement le bonhomme le fait (pantoufles et survêtement), on se pose encore plus de questions. Bien qu’il faut avouer que ses paroles plutôt marrantes, agrémentées d’une sauce funky du plus bel effet, sont quelque part une sorte de brûlot anti-américain non ? Et par les temps qui courent, c’est forcément fashion comme on dit. Facile diront d’autres…

Mocky est ce que l’on appelle un artiste underground. Il s’agit en fait d’un canadien immigré à Berlin, et qui, -tiens comme c’est bizarre- a collaboré avec Gonzales, avec qui il partage ce goût pour le kitsch funky des années 80. Il s’est aussi fait une réputation de scène, en tournant avec Peaches, la femme à barbe et à poils qui tente de faire dans le mauvais goût le plus extrême, mais aussi avec Talvin Singh, reconnu comme le pionnier de la scène asian beat. Le titre qui l’a fait connaître, « Sweet music », issu de l’album Mesopotamia en 2002, figure sur cet album comme une cerise sur le gâteau, en bonus track.

ARE + BE, dont le titre a le mérite d’être clair (R&B) et à doule sens (sont + être), est le deuxième album de l’hurluberlu. Il s’agit en tout cas ici d’un R&B plutôt enjoué, rarement plaintif (contrairement à certains qui peuvent à la longue taper sur les nerfs). « C’est ma version de la musique pop en 2004 » déclare Mocky. Ceci dit, on assiste ici à un patchwork de tous les styles qu’affectionne le bonhomme, et qui l’amènent aussi bien à faire du rap qu’à chanter..

Mocky est en tout cas visiblement influencé par toutes les musiques black américaines, et nous livre ce qu’un Craig David livre en très commercial sur MTV et consorts. Alors, du coup, les basses sont omniprésentes, les clins d’oeil pullulent, les chipotages électroniques égrainent les titres : tous les ingrédients qui en font un disque intéressant si l’on revêt l’accoutrement du type blasé intéressé -que- par le son « hype » sont présents. Et, encore une fois, comme toute cette nouvelle mouvance techno et dance, on ne fait que recycler et mettre au goût du jour des sons issus largement des années 70, 80 et 90. Où est l’intérêt ? La production en 2004, mais aussi la formidable possibilité, qui ne va qu’en s’accroissant, de fusionner les styles et les genres, et, aujourd’hui, de revisiter avec brio le passé, sont autant d’intérêts à sortir un disque de la sorte.

Mocky a su s’entourer comme il se doit. Le titre « Just need Time », par exemple, bénéficie des talents vocaux de la canadienne Feist, elle aussi une protégée de Gonzales. Et l’incontournable « Mickey Mouse Mothafucker » a été co-écrit avec ce dernier et Ad Hawk, qui y accompagne Mocky. Et que dire de la chanson avec Taylor Savvy, « Catch a moment in time », sinon que l’on croit retrouver le chanteur fétiche de Dirty Dancing (le film) ? Ouais, c’est pas la référence ultra, c’est clair, mais dans le cas présent, ça le devient.

Il y a aussi des morceaux où ça semble partir dans tous les sens, et bizarrement l’on se met à penser à The Streets et à son rap urbain. C’est le cas de « If you could only know » et d’une grosse partie de ce que l’on aurait pu appeler la face B s’il s’agissait d’un 33 tours.

En conclusion, un bon disque de hype funk r’b rap urbain qui ne se prend pas la tête, et ça fait du bien.