C’est avec grand plaisir que l’on retrouve le guitariste des Pixies, ici en duo avec sa femme, sur un album de pop noisy d’excellente facture, qui devrait ravir les fans de l’estampille 4AD et réconforter les fans inconditionnels.


Ce n’est pas peu dire qu’à la pinkushion Team, Joey Santiago possède un marbre en bronze trônant au-dessus de l’étagère de la rédaction, fièrement décerné pour sa contribution à la musique rock alternative la plus passionnante de ces dix dernières années – mais aussi une pléthore d’ersatz médiocres… n’entachons pas le tableau idylique. Il ne faut pas se méprendre pas non plus, le grand gagnant de la récente reformation des petits lutins, c’est notre ami Joey. Les concerts sont l’occasion de retrouver avec un petit pincement au coeur ce personnage discret, mais aussi de mesurer l’ampleur de son travail sur les chansons de Fran(z) Black et sur l’édifice rock contemporain.

Archétype de l’anti-guitar hero par excellence, Joey Santiago est un paradoxe scénique. Recroquevillé dans un coin de la scène avec sa Les Paul, le timide guitariste reste statique et regarde la plupart du temps son manche comme un jeune écolier appliqué. Pourtant, les sons qu’il parvient à matérialiser vrillent, rebondissent aux quatre coins de la salle, et plus encore, font trembler les neurones de l’audience. C’est un véritable festival de dissonance et de sons difformes qui sortent du petit amplis du bonhomme. Avec des classique de la trempe de « Dead », « Isla de Encanta », « Debaser », « Letter to Memphis », toute une invasion de sons mutants venant d’une autre planète nous sont apparus et ont dévergondé bon nombre de jeunes guitaristes complexés par la technique. Avec une seule note, l’ami Joey parvenait à dire un million de fois plus de choses qu’un solo pyrotechnique de Steve Vai.

Seul problème avec le réfugié philippin, c’est que depuis la fin des Pixies, le bonhomme est resté fidèle à son image : timide et d’une discrétion à toute épreuve. Quelques apparitions dans les albums solos de son ancien compagnon de chambre et divers B.O pour des séries B anecdotiques. Il faudra attendre 1998 pour avoir trouver de la matière sur l’excellent premier album de The Martinis, le duo qu’il a monté avec la femme de sa vie Linda Mallari. Et encore, le disque était uniquement disponible en VPC sur leur site, c’est dire le maigre butin…

Six ans plus tard, voici donc cet hypothétique second album, produit par Brad Cook et Blag Dahlia des Greedy Brothers (Foo Fighters, Ben Harper…), et bénéficiant d’une distribution à grande échelle cette fois-ci (Cooking Vinyle, le même foyer que Frank Black…). Histoire de mettre un peu de levure à l’ouvrage, la section rythmique est tenue par deux poids-lourds de l’industrie rock US : le bassiste de Smash Mouth, et le batteur de A Perfect Circle. Deux musiciens qui n’ont pas grand chose à voir avec l’environnement des Pixies, mais leur contribution n’entrave pas la qualité de l’album.

En arrangeur de premier ordre, Santiago ne compose toujours pas, laissant le soin à sa dulcinée de trouver les mélodies et d’y accoucher ses paroles plutôt aigres. Vient ensuite au tour du mari d’apporter sa « pâte » à l’ouvrage. Permettons une légère digression à ce sujet : tous les guitaristes de la terre ont beau connaître par coeur le riff basique de « Smoke on Water », personne ne le joue de la même manière que Ritchie Blackmore. La comparaison vaut ce qu’elle vaut, mais le style de Santiago peut se résumer à cela : maintes fois copiée, rarement égalée. Et elle se vérifie sur les premières notes d’intro de « Flyer », on croirait entendre un inédit des Pixies ! Ce qui n’est pas exactement vrai, les chansons des Martinis sont plus pop et moins radicales, mais bon, on y croit dur comme fer l’espace de 15 secondes…

A vrai dire, le contenu de Smitten rappelle un autre groupe mythique de l’écurie 4AD, les Throwing Muses, avec une touche plus actuelle. Les refrains sont assimilables à la première écoute, trois ou quatre compositions sont même irrésistibles et imparables, (« You are the One », « Right Behind You », « Out Upon The Road », « Big Three Wheeler »). La voix de Linda est puissante, oscillant entre Kristin Hersh et Shirley Manson (Garbage).

Souvent, on jubile d’entendre à nouveau les petits doigts du guitariste dégarnis (à croire que c’est héréditaire au sein des Pixies, fort heureusement Kim Deal en réchappe) sautiller sur les cases de son manche, donnant un relief à un album de très bonne tenue. Le genre de disque pas révolutionnaire pour un sou, mais qu’on se surprend à écouter et réécouter, tant le travail ici est bien fait et agréable. Bref, on est heureux et c’est le principal.

-Le site de The Martinis

-Le site vitrine de l’album