Ces canadiens délivrent un rock lyrique tellement riche et varié qu’il pourrait très bien faire office de bande originale d’un film noir. Une des très bonnes surprises de cette fin d’année, à n’en point douter.


Ce qui désarçonne d’entrée de jeu avec The Dears, c’est la voix de son chanteur, Murray A.Lightburn, multi-instrumentaliste (guitare et piano), si semblable à celle d’un certain Damon Albarn. Et ce à un point que l’on n’imagine guère. Le tout est de savoir si ce fait le sert ou le dessert. Le style musical est quant à lui plus proche des Smiths, tout en n’étant pas si éloigné que ça de Blur, en omettant les gros tubes plutôt enjoués du type « Girls and Boys ».

Ce groupe Canadien comprend quatre membres : outre son chanteur et leader, Natalia Yanchak (piano et synthés, et qui chante sur « 22: The Death Of All The Romance »), Martin Pelland à la basse et George Donoso III à la batterie. Ils revendiquent ouvertement l’influence des Smiths.

Dès « Lost in the plot », on ne peut s’empêcher de penser à Morrissey lorsqu’il oeuvrait avec son ancien compagnon Johnny Marr. Est-ce la musique alambiquée, les arrangements léchés, les guitares lyriques? On ne sait pas trop, mais ceux qui apprécient le genre devraient en avoir pour leur argent. La plupart des titres sont habitées par des arrangements comprenant autant des instruments à corde que des instruments à vent, donnant à l’ensemble un côté luxueux et appliqué qui mettent à jour le talent certain de Lightburn en tant qu’arrangeur et compositeur.

Il est vrai que sur certains titres on pourrait étouffer par ce quasi-surplus si on est très difficile (car on s’y fait rapidement à cette mélasse orchestrale), et on ne serait point étonné d’apprendre que le monsieur est un perfectionniste (il a tout orchestré de a à z) – voire même un maniaque – qui ne se satisfait que d’un ensemble méticuleux et soigné. Pour l’auditeur, bien que se rendant compte de la manoeuvre, cela peut paraître un peu dithyrambique par moments. Mis à part ce bémol – qui n’en est qu’un relatif – l’ensemble de l’album est de très bonne facture.

Par moments les choses peuvent tourner foutriquet : on pense alors à Pulp. Parfois on tombe dans la mélancolie des Smiths à nouveau. Parfois (final de « Never destroy us »), on a même droit à un sursaut quasi punk, comme le « We’ve got a file on you » de Blur, dans Think Tank. Le tout avec toujours cette touche soit classique (comme les arpèges sur la chanson à tiroirs « Pinned together, Falling appart ») soit jazzy (les cuivres et surtout le final sur ce même titre) qui ornemente les chansons, leur donnant un petit côté british pop plaisant.

Les titres longs, avec changements de rythmes et autres galipettes comme des progressions crescendo sont ici légion. La voix de Murray y est également dérivée du grave vers l’aigu, et vice versa, révélant sa véritable force et maîtrise. C’est le cas sur le titre éponyme ainsi que sur « Never destroy us ». D’autres titres, comme le 9, d’une beauté très lyrique, font partie de ces titres qui ne s’oublient pas de si tôt. L’emprunte de toute la pop Anglaise ici est flagrante, et du meilleur de Blur en particulier.

Enfin, « Postcard from Porgatory » honore largement la dub, avec une basse vibrante, une batterie et un mélodica très reggae. Ce groupe mange donc à tous les râteliers!

Le site de The Dears