Un ex-Posies en solo offre un album de power pop respectueux des aînés, avec quelques agréables moments à passer en perspective. A (re)découvrir.


Au début des années 90, les Posies, mené de front par la paire de songwriter Jonathan Auer et Ken Stringfellow, se sont imposé comme l’une des formations de power pop les plus brillantes, avec à leur actif un petit chef-d’oeuvre, l’étincelant Dear 23. Tout semblait bien démarrer pour eux, jusqu’à ce que la déferlante Grunge leur coupe les ailes… En ce temps là, il n’était pas bien vu de faire de la pop d’orfèvre lorsqu’on résidait dans la ville de Nirvana, Pearl Jam et Alice in Chains. Vite assimilé aux chemises de bûcheron par le biais du tube musclé “Dream All Day” – finalement assez éloigné de leur domaine de prédilection – la suite de leur carrière aura des conséquences directes avec ce malentendu.
En perte d’identité et réciproquement d’inspiration, les disques suivants n’attireront que peu d’intérêt et mènera jusqu’à la séparation inévitable du groupe, à la fin de la décennie 90. Depuis, la fin des Posies laisse un goût amer d’inachevé, avec en guise d’épilogue l’éternel mention sur le carnet de notes : « élève doué mais peu mieux faire ».

Séparé de son groupe fétiche, Ken Stringfellow n’a pourtant pas chômé depuis, on l’a croisé récemment aux côtés de REM (en tournée et sur Reveal) et Big Star (pour quelques dates de reformations épisodiques), le musicien/compositeur a également enregistré deux disques solos passés complètement inaperçus. Courtisé à droite à gauche, le songwriter solitaire vit un peu dans l’ombre des ses maîtres, mais demeure toujours un artiste attachant, capable – on le sait – de fulgurances dignes des plus grands.

Enregistré aux quatre coins du globe (New York, Sénégal, Stockholm, Seattle, Paris, Vancouver et Los Angeles) ce troisième album solo réaffirme l’amour de ce musicien pour la pop californienne de haute volée. A ce titre, le troubadour a convié une légende des studios bien connus des scrutateurs de crédits : le claviériste Larry Knechtel (qui a fait quelques parties de piano sur Pet Sounds, entre autres…).

L’art de Stringfellow évoque souvent Jackson Browne et les Beach Boys 70’s, plus particulièrement Sunflower et le chef d’oeuvre maudit de Dennis Wilson, Pacific Ocean Blue. A ce titre, sur l’un des sommets du disque “When U Found Someone”, on retrouve même des choeurs frissonnants dans la pure tradition des « garçons de la plage ». A ce moment précis, on touche le divin. Et pourtant, il n’y a rien de prétentieux, ni pompier dans ce disque, tout respire le bonheur sur ces chansons formatées de 3 min 30 sec. Le bonheur, une intention louable car assez dur à retranscrire dans le domaine du songwriting pop où la déprime demeure toujours plus crédible que les bons sentiments.

L’habile compositeur sait varier les plaisirs, entre quelques ballades au piano poignantes, il distille une ballade limite celtique (“Any Love”), un exercice de style à la Wings (il singe parfaitement Mc Cartney sur “Down to the Wire”), l’ultra mélodicité d’un Badfinger (le puissant et symphonique “Don’t Die”), voire même un morceau dub ! (“Dawn at The Dub Of The Dawn”, ça c’est pour Tontino !). Mention spéciale tout de même pour “For your Sake”, ballade crépusculaire où l’ex Posies baisse la garde et renoue avec la fragilité de “Suddenly Mary”, 15 ans plus tôt. Plusieurs bonnes surprises donc en perspective.

Certains trouveront ce disque un peu trop lisse (à l’instar des meilleurs disques des Beach Boys dans les 70’s), il n’empêche que les amateurs de power pop auraient grand tort de se priver de choses si raffinées. D’autant plus que Stringfellow possède toujours un brin de voix dévastateur lorsque inspiré. On vous aura prévenu.

– La page de Ken Stringfellow sur le site de Naive

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