Des artisans pop suédois travaillent des pop songs dans le même bois qu’autrefois les Modern Lovers et les Papas fritas. La tradition se perpétue dignement autour de cette matière noble qui ne vous laissera pas sur le palier.


Au sud profond de la Suède, Malmö est une ravissante petite ville côtière, entourée de verdure et peuplée de 265 000 âmes. Voisine de Copenhagen (à une demi-heure en métro), sa situation géographique lui permet d’être une des plaques tournante du commerce nordique. Située non loin de Berlin, Hamburg ou Stockholm, sa diversité culturelle (près de 164 nationalités y cohabitent pour une centaine de langages recensés) ont assis la réputation de cette ville cosmopolite, souvent surnommée la plus petite « grande ville » du monde.

C’est dans ce cadre idyllique et propice aux rencontres que Karl Jonas Winqvist (claviers/chant) et Jenny Wilson (guitare/chant) forment First Floor Power en 1997 (Vous avez vu comment je vous ai tourné ça ? je m’épate tout seul…). Connu ni d’Eve ni d’Adam chez nous, ce groupe a déjà sorti un premier album et une poignée de EP salués dans leur patrie. Guère étonnant lorsque l’on sait que la Suède est le pays de l’Union Européenne où l’on achète le plus de disques par habitant.

Nerves, deuxième album du quatuor sorti en 2003, bénéficie d’une séance de rattrapage par chez nous via le label français Telescopic, qui nous avait déjà déniché entre autres la paire nordique Under Byen. Si la pop d’Under Byen évoque les contrées désertiques d’Islande avec un soupçon d’électro, First Floor Power, quant à lui préfère travailler la matière (ici les mélodies) avec des instruments nobles et chaleureux autour d’une formule basique : basse, guitare, piano, batterie. D’où ce constat : si Nerves avait été enregistré il y a trente ans, nul doute que le son n’aurait pas bougé d’un iota. Car cette pop faussement timide et joyeuse emprunte les canons déjà esquissés par les légendes de la big Apple : le Velvet Underground et les Modern Lovers.

Entre parties de chant assurées à tour de rôle, Karl et Jenny alternent également les instruments guitare/piano suivant l’humeur du morceau : Guitares claires, piano dénué d’artifice, voire quelques excentricités, une boîte à rythmiques jouet, des maracas, un synthé cheap, quelques réminiscences de Bossa. Entre quelques airs sautillants (“Happy Endings”, “Hanging outside my Window”), les paroles sont souvent en contraste plus réaliste exprimant la désillusion, la banalité du quotidien. Il y a quelques chansons fantomatiques, (“Sunny Days revisitied”, “How I lost my juvenile Smile”) à l’humeur plutôt proche d’un gentil Gasper que celui d’un lugubre Dark Water.
Il reste en fin de course ce charme suranné que l’on retrouve chez quelques rares spécimens tel que les Feelies ou les Papas Fritas, ce sens de l’économie qui contrebalance avec un savoir-faire pop redoutable, car aux premiers abords inoffensifs.

Sur le brumeux “Take Your Pants off”, Jenny chante avec classe le désir charnel de l’autre, l’aboutissement d’un instant tant fantasmé. Cette confession touchante pourrait à elle seule résumer l’essence de ce disque : naif, empli de doute mais toujours léger. Nerves n’ambitionne pas d’être l’album de l’année, seulement un hôte de confiance, et c’est déjà beaucoup.

-Le site de First Floor Power

-Le site de Telescopic

-Le site de Malmö (en guise de guide touristique)