A réserver près de la cheminée (mais pas trop près non plus) : Mano Negra, Kraftwerk, Guided By Voices, Radiohead et « The Boss ».


Mano NegraOut of time
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Un DVD qui ne nous tombera pas de sitôt des mains, et qui tombe à pic en cette période de Noël, c’est bien le double et exhaustif Out of Time. La Mano Negra : spécialistes de la « Patchanka », potion de rap, reggae, ska, punk, salsa, ragga pour la musique, le chant pouvant passer du français à l’espagnol, et de l’anglais à l’arabe.

On ne prendra pas beaucoup de risques en disant que ce groupe a fait autant en France que The Clash en Angleterre. S’il y a bien un groupe qui mérite tout le respect en termes d’ouverture d’esprit et de disques aussi bien festifs qu’engagés c’est bien la Mano. En 4 documentaires, clips et bonus, Out Of time gâte les fans et autres curieux en leur donnant tout ce qu’il y a à voir sur le marché concernant le groupe de Manu Chao. Un peu trop peut-être.

Tout commence avec Pura Vida, un docu de 96 minutes qui retrace toute la carrière du groupe, de Joint de culasse à la Mano negra, du petit groupe qui joue gratos à Quito jusqu’au groupe qui fait une tournée des banlieues (chapeau!), de la tournée Cargo en Amérique Latine (avec la rencontre de Gabriel Garcia-Marquez) à celle en Colombie (Last Chance train) qui aura raison du groupe… Un parcours étonnant et passionnant. Les commentaires a postiori des protagonistes sur leur passé sont une très bonne idée également.

Ensuite, Rock & Roll band, qui dure 80 minutes, regroupe des archives audiovisuelles sur leurs prestations scéniques de 88 à 92. Preuve que ce groupe était un sacré incontournable de la scène. On a droit à une version revisitée du « Chanteur de Mexico » de Luis Mariano par Philippe Garbancito Teboul, à un « Sidi ‘H’Bibi » à Munich assez festif, ou à la folie de Sao Paolo.

Le deuxième DVD propose, Putas Fever, un reportage sur l’album du même nom, mais malheureusement, l’exhaustivité du premier DVD fait que l’on retrouve de nombreuses séquences de Pura Vida et de Rock & roll band, sans parler des clips. C’est un peu décevant car du coup quelques séquences inédites (comme le clip de « Indios de Barcelona » ou l’interview de Manu à Guayaquil) mélangées au reste pourraient passer inaperçues.

Par contre, Tournée Générale, concert enregistré « en vivo », vaut le détour pour voir comment ce groupe chauffait une salle, du début jusqu’à la fin, avec un talent contagieux. La singularité d’une trompette et d’un trombone dans un groupe de rock y seront beaucoup pour ce succès d’ailleurs. Enfin, tous les clips du groupe sont également proposés. « El senor matanza » ou « Mala vida » rappelleront des souvenirs.

Pour conclure, le DVD est aussi bien instructif que ludique, mais trop de choix tue le choix. Deuxième critique, il eut été préférable peut-être de tout diviser selon les albums. Enfin, une chose est sûre, les fans vont se lécher les babines avec plus de six heures sur le groupe. Notons également que 17 titres inédits sont proposés en audio.

Le site de la Mano

KraftwerkMinimum Maximum
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Connaissant Kraftwerk (Centrale électrique ayant lancé la musique industrielle populaire), et malgré tous les égards que l’on peut – doit – avoir vis-à-vis de leur musique qui a tant et tant marqué l’histoire de la musique électronique, hip hop et rock , on pouvait avoir des doutes sur l’intérêt d’un témoignage, fut-il audiovisuel, d’un concert réstituant une musique aussi « statique ». Tous ceux qui ont assisté à leurs concerts l’année dernière ainsi que cette année ne se posent pourtant pas cette question. Un quatuor qui a autant compté dans l’histoire – un des plus échantillonés -, utilisant jusqu’à la corde toutes les prouesses techniques du progrès avant quiconque, n’allait bien sûr pas se contenter de passer des disques ou des bandes avec quatre types qui se la jouent robots…

Jouant leur jeu jusqu’au bout, les quatre natifs de Düsseldorf ont su, avec une intelligence rare, rendre leur show aussi novateur qu’ont pu l’être leurs albums, nous déballant, sur des textes vieux parfois de trente ans, nos réalités quotidiennes, voire celles encore à venir. Les images que Kraftwerk a choisi pour illustrer leurs hits (« Radio-activity », « Trans Europe Express », « Computer world », « Music non stop », « Robots », « Autobahn », « Vitamin », « The Model ») sont toujours fort à propos, judicieusement choisies, réelles ou virtuelles, et l’on ne peut qu’acquiescer devant autant de lucidité.

Tout ceci pour dire que tous ceux qui n’ont pas eu la chance d’assister à une de leurs dates, ce double DVD comblera amplement cette frustration. En effet, admirablement filmé, passant de la scène aux images qui défilent, le concert se visionne comme une oeuvre avant-gardiste futuriste, oscillant entre rêverie et actualité crue, vision et motion, quiétude et danse…

Par contre, malheureusement, aucun bonus. Une interview, un backstage, un… quelque chose eut été la cerise sur le gâteau. Dommage. Bien que l’on sait que c’est leur marque de fabrique, en même temps cet anonymat soulève bien des questions.

Le site de Kraftwerk

Radiohead – The Astoria London Live
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Une fois de plus, on ne peut pas dire que la bande d’Oxford se soit foulée pour l’édition de ce DVD live : aucun bonus ou supplément en rabe, régime drastique. Par contre, l’objet en lui-même possède indéniablement des vertus historiques. On assiste à l’ascension de présumés seconds couteaux, vaguement remarqués après un pseudo hymne grunge, ici sur le point d’atteindre le premier palier de super groupe de rock. Flash-back : Mai 1994, Thom Yorke et ses potes d’université s’apprêtent sans crier gare à sortir le dantesque The Bends, un classique absolu des années 90. Supérieur en plusieurs points à Nevermind (la mort n’excuse pas : chant, richesse des arrangements, variété des chansons), ce monument du rock est un incroyable concentré de brûlots rocks, et durant 1h 10 min, le quintet d’Oxford va le démontrer avec une maestria confondante….

Et le pire, c’est que Thom Yorke, en timide maladif, aurait presque tendance à nous énerver en s’excusant chaque fois que lui et ses poteaux entament un nouveau titre (« Désolé, nous allons jouer une nouvelle chanson »). Et puis il y a le contrecoup des années 90, le look du Club des Cinq fait peur. Le futur crooner de “No Surprises” surprend avec une coupe de cheveux ressemblant étrangement à celle de Karen’O mais en blonde platine. Mention spéciale également à Colin Greenwood, aussi discret que son ampli avec sa petite queue de cheval très hardos. Poilant ! Mais en dehors de ce léger manque de présence charismatique, bon dieu, quelle tuerie ! Et ces guitares… il faut rendre ses lauriers au César : Johnny Greenwood est le véritable héros de la soirée, volant sans vergogne la vedette à Thom Yorke. Ce que le cadet Greenwood tire de sa Telecaster n’est pas humain. Onze ans plus tard, ce qu’il parvient à faire sur “The Bends” (à exactement 2 minutes et 12 secondes) file toujours autant la chair de poule. Le cataclysmique “You”, jusqu’aux alternances distorsion/claire de “Bones”, les arpèges hypnotiques de “Street Spirit” en passant par l’apothéose de larsen sur “blow Out”, nous n’avions dieux (d’yeux , lapsus !) que pour lui. La vraie idole des jeunes, notre « Johnny » à nous, c’est lui.

Guided By Voices – The Electrifying Conclusion
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Autre décor, tout aussi historique, mais en d’autres circonstances : The Electrifying Conclusion témoigne de l’ultime concert donné par Guided By Voices un soir de 31 décembre 2004 à Chicago. Un sacré réveillon de fin d’année ! Conseil d’usage avant de glisser ce DVD dans votre lecteur de salon : prière d’avoir rangé à proximité du canapé son six-pack de survie, car c’est un véritable marathon auquel nous assistons : professeur Pollard et ses élèves vont venir à bout de pas moins de 60 chansons en 3h50 min. On vous avait prévenu ! Le débit impressionne, mais pas autant que les litrons de bière ingurgités par les musiciens durant la prestation. Un comptoir de circonstance a d’ailleurs été installé à droite de la scène où un barman fera le service durant toute la soirée. Et au fil du concert, la prestation vire à la bordée noire, avec un Bob Pollard titubant presque par moment face à son micro… mais c’est exactement l’idée que l’on se faisait du dernier concert de GBV : généreux avec son public, approximatif, festif et avec de la bière qui coule à flot.

Si les concerts du combo au line-up interchangeable n’a jamais vraiment brillé sur scène, le set se déroule avec un groupe véritablement ému d’accueillir quelques vieux amis qui ont croisé les 21 ans d’histoire du groupe (Jim Pollard, Tobin Sprout…). Une carrière qui est à l’échelle de ce qui se déroule devant notre écran : incroyablement endurant, des moments de faiblesse indéniables, mais aussi de pure grâce. Car arrivé au bout du chemin seul compte le résultat et Guided By Voices – si Bob Pollard na jamais enregistré un album parfait – peut se vanter de pouvoir piocher parmi une bonne soixantaine de classiques absolus. Enfin, on se laisse emporter par le caractère singulier de l’évènement où souffle une sensation de dernière chance. Et lorsqu’à 3h 20 du matin le néon s’éteint pour la dernière fois, on a vraiment eu l’impression, murgé devant la télé, d’avoir assisté à l’une des plus grandes messes du rock.

Bruce SpringsteenBorn to Run (30th Anniversary edition) (CD + 2DVD)
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Attendu par les fans depuis sa plate masterisation en CD au début des années 80, cette édition « Deluxe » de l’album mythique du Boss a incontestablement « tout d’une grande ». On peut faire la fine bouche et toujours préférer l’édition US en vinyle (insurpassable, un cas unique) force est d’admettre que cette version audio remastérisée 5.1 dépoussière bien les bandes originales Phil Spector.
Copieusement garni, le coffret propose également – outre un livret de 48 pages bourré de photos – deux DVDs commémoratifs. Le premier sillon laser est un concert retraçant la première date de la tournée du E Street Band en Angleterre en 1975. Auréolé de succès en sa patrie, Springsteen est perçu en Europe comme une étrange curiosité en provenance de Monument Valley. Loin des prestations épiques et les records d’abondance dans les stades, c’est un Springsteen un peu plus gringalet, incroyable sosie de Serpico ( barbe protubérante, bonnet bien enfoncé) mais déjà bien rôdé qui nous offre le spectacle durant deux heures. Pour l’anecdote, on apprendra via le second DVD qu’un petit malin de la maison de disque avait vendu le nouveau phénomène comme « le redneck qui va botter le cul au anglais », provoquant la colère de celui-ci, qui récupérera personnellement tous les prospectus posés sur les gradins ainsi que la banderole installée sur la façade de l’Hammersmith Odeon.

Pièce de choix, le documentaire raconte en 1 h30 – évidemment – la genèse du mythe, commentée personnellement par le patron et ses principaux protagonistes. Les anecdotes sont légion (morceau choisi : Jo(h)n Landau qui ne s’est jamais vraiment remis qu’on écorche son nom sur les crédits), mais ce que l’on retient surtout, c’est que malgré cette volonté d’incarner la fuite et l’amitié, inspirée du fameux pavé Beatnik Sur la Route de Kerouac, les séances studio furent loin d’être une partie de plaisir… plutôt un enfer même ! Springsteen, en perfectionniste peu scrupuleux, n’hésite pas à pousser Clarence Clemons dans ses retranchements pour réinterpréter des centaines de fois le solo saxo de “Jungleland” jusqu’à ce qu’il obtienne exactement la mélodie qu’il avait en tête. Et puis, on découvre l’origine de cette fameuse séance photo pour la pochette Born To Run, devenue depuis l’un des piliers du classic rock. D’ailleurs, n’aviez-vous jamais remarqué à quel point la fameuse barbe du rocker est épaisse sur la couverture de Born To Run ? Born to wiiiiiIIIIld.