Toujours aussi touchante, la talentueuse révélation de la BO de Magnolia passe le cap scénique avec brio. Disponible également en DVD, comment résister à une si séduisante invitation ?


Avec la récente révélation du boum dvd musical – qui rappelons-le, selon les pontes des majors aurait sauvé la morosité ambiante en 2004 -, on nous en propose à profusion, avec, cerise sur le gâteau, le cd audio accompagné sur le même support. Toujours en retard d’un wagon TGV, les maisons de disque ont attendu d’avoir les chiffres de vente devant leurs yeux pour proposer le même concert sur les deux supports, et ainsi nous faciliter les choses. Fini donc l’âge de pierre où l’on enregistrait approximativement sur cassette la vidéo du Live At Enmore Theatre de The Church, unique témoignage scénique du groupe et donc crucial pour notre petit environnement personnel (par exemple…). Mieux vaut tard que jamais…

En attendant la parution de son nouvel album The Forgotten Arms à paraître en mai, la lumineuse Aimee Mann nous fait patienter avec ce premier témoignage live issu de sa récente tournée Lost in Space. Cette grande perche attachante et plutôt réservée (pour l’avoir rencontré une fois, la belle n’est pas très bavarde, malgré tout son bon vouloir, ce qui est encore plus touchant au demeurant) est devenue l’une des plus fines épées en matière de pop-songs délicates. Sa collaboration prépondérante sur la BO du film Magnolia lui a donné un coup de fouet médiatique amplement mérité, qui lui a permis de se remettre en selle confortablement. Son dernier disque en date, Lost in Space (2003), même si moins intense que le parfait Bachelor n°2, recelait encore quelques moments magiques. Excellente idée donc que de faire paraître cette parenthèse live, sorte de best of rétrospectif d’une carrière déjà riche en moments précieux.

Le dvd présenté ici a été enregistré dans une salle de Brooklyn, devant une audience remplie à craquer de gentils bobos et étudiants littéraires apprentis bobo en devenir (veste marron en tweed, lunettes rondes et chevelures faussement négligées…). Certes, Aimee Mann n’est pas vraiment ce qu’on appelle une bête de scène. Jamais vous ne la verrez s’agripper au rideau ou présenter sa poitrine telle une Courtney Love explosée. Non, Aimee Mann c’est un peu la grande soeur, la copine de lycée dont on tombe éperdument amoureux et dont on n’avouera jamais ses sentiments de peur de la blesser, le syndrome Dawson creek en somme. On va donc à un concert de notre meilleur « Aimee » de la même façon qu’on passerait dire bonjour à une vieille connaissance de passage en ville. Dans son élément, elle se révèle plus bavarde et nous raconte ses dernières mésaventures, teintées d’un sens de l’ironie dévastateur : ses récents cours de boxe (difficile de l’imaginer sur un ring !) et son goût pour les fringues douteux (son sujet de prédilection sur scène). Sans trop en faire, l’ancienne punkette new wave du groupe Til’ Tuesday nous met incroyablement à l’aise.

Côté set, elle pioche équitablement sur ses riches quatre albums, tous remplis à craquer de petits hymnes instantanés (“Deathly”, “Stupid thing”, “4th of July”…). “Save Me”, le tube tiré de Magnolia, mérite amplement ses tonnerres d’applaudissement et demeure toujours un des moments phare du concert. Rayon nouveauté, les amuses-gueules Going Through The Motions (très americana avec ses pedal steel de rigueur), et la ritournelle piano “King Of The Jailhouse », donnent une petite idée du prochain disque, dans un esprit 70’s qui lui sied à ravir. Prometteur.

A l’exception d’un guitariste qui s’égare un peu dans des solos 70’s (le final plombant sur “Long Shot”), les chansons sont fidèlement interprétées par le groupe et passent sans faute de goût. Peut-être un peu trop sage parfois, la récente inclusion de titres plus enlevés – datant de son trop sous-estimé premier album Whatever – permettent de mieux équilibrer son set. “Sugarcoated” et “Stupid Thing”, classiques un peu oubliés de la première période bénéficient ainsi d’une séance de lifting.

Sans chichis de rétro-projecteurs vidéo-clip ou avalanche de ballons, ce Live at St. Ann’s Warehouse séduit par son caractère intimiste et on n’en demande pas plus. Et puis, rien que pour entendre la belle prononcer à chaque fin de morceau les « Thank you so much » les plus mignons de la terre, cela vaut le détour.

-Le site officiel d’Aimee Mann