Le premier album de cette protégée de Joseph Arthur honore le folk et perpétue la tradition des chanteuses qui élèvent la musique au rang d’art noble. En entrant discrètement dans sa nouvelle famille, une place de choix lui est cédée.


Ecouter Come down, le premier album de Tara Angell, devrait être remboursé par la sécu tellement il a des vertus médicinales. A la fin d’une journée épuisante, les chansons de l’américaine sont faites pour vous détendre, pour libérer toute la tension accumulée pendant le travail. Et ce n’est pas un hasard si le disque a été enregistré après les heures de boulot. Serveuse dans des clubs à New York, Tara Angell baigne quotidiennement dans un flux de musique. De ce rapport privilégié avec les groupes qui se produisent dans les bars, la jeune femme y prend goût et se met à l’écriture de ses propres chansons. Aussi, tout naturellement la jeune femme profite de ses moments de repos pour composer sa propre bande-son et relâcher ses nerfs. Pendant plusieurs années, elle composa musiques et textes jusqu’au jour où elle rencontra le pygmalion Joseph Arthur lors d’un concert où elle jouait seule à la guitare et qui – impressionné par le jeu de Tara – lui donna un coup de pouce. De ces années à rêver à être à la place des musiciens qui évoluent chaque soir dans les clubs où elle travaille, et de sentir un don de chanteuse grandir au fur et à mesure qu’elle le développe, elle décida alors de se lancer dans un projet discographique. Un empreint à la banque, l’accord de l’invité pour s’occuper de la production et la voici en train d’enregistrer ses chansons alors qu’aucun accord avec une maison de disque n’est signé. Ce n’est que bien plus tard, une fois Come down réalisé, que le label Rykodisc s’intéressa à la chanteuse.

Des débuts jazz, il ne reste pratiquement plus rien sur l’album si ce n’est un désir commun de rendre la musique la plus libre possible. Encouragé par des musiciens comme Lucinda Williams, Ron Sexsmith, Daniel Lanois, Jesse Malin, Tara Angell explore à son tour les richesses souterraines qu’offre le folk. En y injectant son penchant pour des auteurs comme Flannery O’Conner, James Purdy and the stark ou William Faulkner, ses histoires musicales s’imprègnent d’un réalisme troublant. Porté par une écriture aigre-douce, balancée entre des chroniques d’amour perdu, de désenchantement et d’espoir rongé, les chansons de la new-yorkaise font la part belle aux mélodies sombres mais lumineuses dans leur interprétation. Ainsi, des titres comme « Untrue », « Don’t blame me », « Silver lining » ou « The world will match your pain » nous emportent vers des rives où l’esprit vagabonde entre ciel et terre. La production très éthérée accentue de plus cette ambiance vaporeuse que traînent les chansons.

La voix éraillée de la chanteuse, proche du timbre de Jesse Sykes avec qui elle partage un même phrasé vocal, est traitée avec un léger écho. On reconnaît bien ici la patte de Joseph Arthur qui sans s’approprier les mélodies leur apporte son cachet personnel, « When you find me » en est un parfait exemple avec ses effets de guitare.

L’amertume des textes, la mélancolie de la musique pourraient laisser penser à un disque pour neurasthéniques mais force est de constater que son écoute ne donne pas des idées noires, ni l’envie de danser mais juste un sentiment de bien être, d’apaisement. La jeune auteure chante avec son coeur, insuffle sa vie dans ses chansons, ne cherche pas à tricher, à cacher ses défauts. On la sent sincère dans ses propos. C’est peut-être cette franchise qui séduit et qui rend Come down si charmant et si attirant. Loin des poses d’autosatisfaction, des regards hautains, l’Américaine est plutôt du genre timide, à passer inaperçue. Pourtant, à l’instar des belles femmes qui laissent sur leur passage un parfum exaltant, ce premier opus ne laissera aucunement indifférent ceux qui y éliront domicile.

Dans la famille des folkeuses passionnantes, il faudra compter désormais avec Tara Angell.

-Le site de Tara Angell