Après un faux départ, dEUS revient avec un nouveau casting et de nouvelles ambitions. La déception est cependant au rendez-vous, mais il faut admettre que la barre était haut. Reste une belle pochette.


Voilà un des disques les plus attendus de cette rentrée. Déjà six ans (oui, six!) que dEUS ne faisait plus rien. L’année dernière, on y a cru (eux aussi), grâce à une grosse tournée été-automne, et puis aucun album – pourtant annoncé – n’a suivi… Ils ont changé de label si bien qu’on s’y perd. Un communiqué sur le site officiel annonce V2 comme nouveau label. V2 répond en Belgique qu’ils sont chez Universal… Aïe Aïe Aïe. C’est à n’y rien comprendre. Franchement, si en plus ils s’amusent à nous les changer selon le pays, on est pas sorti de l’auberge. Car enfin, dEUS, c’est un groupe belge à l’origine non? Bon, allez, on s’égare. Alors, le nouveau dEUS, qu’est-ce qu’il vaut?

Voici ce que déclare Tom Barman dans Le Soir du 7 septembre 2005 : « Révolution est un mot très lourd, on ne peut changer que jusqu’à un certain point. On reste toujours soi-même. On fait souvent les mêmes erreurs. Mais je n’exclus pas que dEUS devienne un groupe plus important. J’ai toujours détesté le côté indie. Là, maintenant, je me sens plus comme un singer-songwriter. Je préfère toujours Neil Young, Springsteen, Tom Waits aux groupes indie-rock anglais. C’est pour ça que les anglais ne comprennent pas bien dEUS ». Parfait. Joli même. Reste à savoir s’il joint le geste à la parole…

C’est clair qu’à l’écoute de son disque acoustique avec Guy Van Nueten (qu’il faut impérativement se procurer), on comprend qu’il se sente l’âme d’un singer-songwriter. Par contre, Pocket Revolution peine un peu dans ce domaine-là. Le disque est généralement mou du genou, avec quelques envolées brouillonnes… Le disque se laisse écouter, mais il n’étonne guère, et ne force pas l’enthousiasme.

Tout a été dit on dirait. On pense qu’il arrive à effleurer le meilleur des deux premiers albums (Worst case scenario et In a bar, under the sea), mais n’arrive jamais à la cheville du fantastique Ideal Crash. On se met alors à cogiter. Et si Ideal Crash avait été un accident, faisant figure de chef-d’oeuvre du groupe ? Car force est de constater que Pocket Revolution n’est pas mauvais comparé aux deux premières galettes DU Groupe Belge par excellence (à qui on a assimilé toute la nouvelle vague du plat pays), et qu’il leur est même proche en tous points : les violons, la voix de Barman qui est surexposée (comme un Leonard Cohen), et, au risque de le répéter, des moments griffonnés où tout le monde se lâche (tant et tant qu’il en arrive à se caricaturer lui-même) « Bad Timing » est à ce titre un bel exemple. « Stop-Start nature » aussi, qui en arrive même à agacer. Et, de grâce, ne parlons pas de « What we talk about (when we talk about love) » car ce titre pollue vraiment le disque. Par contre, à défaut de surprendre, la ballade « The Real Sugar » rappelle leurs meilleures moments antérieurs.

Allez, chose nouvelle peut-être, quoique, un petit côté soul se fait sentir ici et là. « 7 days, 7 weeks » et ses refrains gentillets. Les percus sur certains titres sont sympas aussi. La fin jazzy de « Cold sun of circumstance »… La grandiloquence des choeurs du titre éponyme… En fait, à cet égard, on croirait écouter un autre groupe belge d’un ex dEUS (Rudy Trouvé), Dead Man Ray.

Avec tout de même de bons titres comme « Nightshopping », « Cold sun of circumstance », il y a un début d’explication à cette semi-déception : la nouvelle mouture de dEUS, qui fait assez Les sept mercenaires, tellement il y a d’ex dans tous les sens :

Mauro Pawlowski d’abord, à la guitare qui est un peu comme Barman, un touche à tout : Ex Evil Superstars, ex Mitsubishi Jacson, et sous son nom en solo avec The Grooms. Il a également participé aux projets personnels de Tom Barman – film – Anyway the wind blows – et Magnus – duo électro avec CJ Bolland). On le voyait même dans un des clips, habillé en travelo, faire son Prince. Il y a aussi Alan Gevaert (ex Arno) à la basse et Stéphane Misseghers (ex Soulwax) à la batterie. Ne restent du début que Klaas Janzoons au violon et synthés, et, bien sûr, l’incontournable Tom Barman. Mais c’est surtout la perte de Craig Ward, guitariste et tête pensante derrière Ideal Crash, qui se fait malheureusement sentir ici, même s’il a fait quelques apparitions en studio tel un special guest.

Avec un tel pannier de revenants, on se croirait souvent replongés dans les deux premiers albums. Oui, c’est vrai, ils n’étaient pas mauvais mais après Ideal Crash la barre avait été placée tellement haut que le recul est jugé néfaste forcément, et la déception de nous submerger. Comme dans un couple, la paire Barman-Ward ne semble plus fonctionner. Que c’est dommage. On a même envie d’attendre ce que va devenir Craig Ward, histoire de voir lequel des deux s’en sortira le mieux et s’il n’eut pas été préférable de rester en paire, ou voire de tout arrêter. Ce dernier point cependant ne semble pas dépendre – directement – de Tom Barman, puisque c’est Craig Ward qui a pris la décision de mettre les voiles.

Véritable petite entreprise belge, dEUS en a vu d’autres (une bonne trentaine de personnes ont déjà foulé les planches d’un studio ou d’une scène avec dEUS…). Alors attendons le prochain album… Tout en espérant qu’ils ne le rempliront pas de titres déjà entendus par ailleurs, comme « Nothing really ends » (issu du best of), qui sentent le réchauffé et le manque d’inspiration.

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