Nada Surf est criminellement sous-estimé. Tant pis pour ceux qui commettent cette erreur, tant mieux pour nous.


Rares sont les groupes qui réussissent à conquérir une audience à deux occasions différentes. Récemment, Green Day l’a fait, dix ans après leur premier hit (« Basket Case »), et pour Nada Surf, c’était il y a quatre ans, avec la sortie de leur troisième album, Let Go. Mais reprenons un fil chronologique.

En 1995, MTV diffuse parfois des clips avec des guitares dedans, aussi invraisemblable que cela peut paraître aujourd’hui. « Popular » est un de ceux-là. Construit assez bizarrement, ce morceau est devenu un hit indie et sonne toujours aussi frais neuf ans après. Seulement, la suite était moins drôle pour le groupe. Leur second album, The Proximity Effect, ne sort pas aux Etats-Unis, parce qu’il ne comporte pas de single évident. Résultat, le trio le fait sortir en Europe, où il fonctionnera assez bien (il faut dire qu’il était excellent), et entame une énorme tournée belgo-française.

Mais le manque de reconnaissance pèse, et il faudra attendre quatre ans avant leur troisième album, Let Go, sorti chez le label indépendant américain Barsuk.
Et là, miracle, Nada Surf revient au devant de la scène, avec un album universellement apprécié, même si très différent des précédents : les accents punk sont tout à fait gommés, et remplacés par un songwriting presque Dylanien (le morceau central, « Blonde On Blonde », ne s’appelle sans doute pas ainsi par hasard).
Barsuk en profite pour sortir leur second album chez eux, en plus d’un Live in Brussels enregistré à l’AB (concert mémorable avec envahissement de scène et reprise d’Indochine (le chanteur étant un francophile avéré qui a grandi à Paris), et maintenant, ce quatrième album.

The Weight Is A Gift est plus proche de l’apaisé Let Go, même si quelques guitares viennent parfois donner un accent power-pop assez frais. Les ballades mélancoliques raffinées (« Comes A Time ») succèdent avec bonheur aux morceaux plus rythmés (« Armies Walk »), même si on ne retrouve ici rien de bien nouveau. Le nouveau son de Nada Surf fait parfois penser à Death Cab For Cutie, comme sur l’émouvant « Your Legs Grow » (Chris Walla, de DCFC, est producteur), alors que le riff imparable de « Blankest Year » assurerait au groupe un hit indie, si le morceau n’était pas parsemé de « fuck it« , et s’il ne faisait pas à peine plus de deux minutes. Les paroles parfois opaques, mais souvent très justes, confirment l’optique très personnelle de l’album.

Les membres de Nada Surf se sentent libres de faire vraiment ce qui leur passe par la tête sur disque, voire sur un seul morceau comme l’étrange « In The Mirror » et ses faux rythmes. Même si This Weight Is A Gift ne compte pas réécrire l’histoire de la musique, il est toujours très rassurant d’entendre un groupe en accord avec lui-même, n’obéissant à aucune règle sans tomber dans les travers de l’expérimentation inutile. De plus, trouver un groupe qui survit au one-hit-wonder en sortant trois albums impeccables, ça ne se fait pas tous les jours.

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