Voici un double flashback sur un groupe archi-culte et archi-indie : Pavement. Objectif de ce flashback : donner envie aux neophytes de se ruer sur ces deux premiers albums, et aux inconditionnels de se replonger avec delices dans la discographie Pavementienne.

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Crooked Rain, Crooked Rain (1994)

Commencons avec le deuxieme album du groupe (uniquement pour des raisons personnelles, le premier album suit juste derrière). Crooked Rain, Crooked Rain est sorti en 1994, et a été enregistré dans un studio New-Yorkais qui sent le renfermé. L’opus a demandé trois mois de labeur à raison de 5 à 6 heures par jour. Qualifié d’album « le plus raide, le plus guindé » par Bob Nastanovich (le second batteur du groupe), il reste cependant pour beaucoup comme le disque de Pavement le plus abouti, le plus uni.

« Silence Kit », le morceau d’ouverture, résume à merveille tout ce qui suivra. La voix du chanteur à l’allure d’éternel étudiant,Stephen Malkmus tout d’abord. C’est sûrement une des meilleurs choses dans ce groupe. Il se distingue l’impression que ce mec chante assis sur son canapé, une biere à la main. Avec sa voix hors-norme, il chante un peu faux, comme s’il s’en foutrait royalement. Et il fait ça si bien. Il faut l’entendre monter dans les aigus et lorsque sa voix dérape : un must. C’est con a dire, mais le charme de Pavement réside principalement dans cette voix laconique qui menace de se briser à tout moment.

Mais bon, Pavement, c’est loin d’être uniquement la voix du sieur Malkmus. Passons aux guitares maintenant : Scott Kannberg est aussi un sacré gus, capable de vous sortir des sons bien sales mais en même temps tellement mélodiques. Le couple guitaristique, malgré toute cette dissonance, s’accorde à merveille.

Avec une telle capacité guitaristique et un chant plus qu’original, et bien Crooked Rain, Crooked Rain s’est imposé dans les 90’s comme un chef-d’oeuvre du rock indie, alternant des passages bien énervés (« Unfair »), des hits imparables et sacrément fun (« Cut Your Hair »), des ballades magiques (« Range Life »), ou encore des morceaux calmes mais tellement bien foutus (« Silence Kit », « Heaven is a Truck »)…

De toute facon, parler de chacun des morceaux ne servirait pas à grand chose. Ce qu’il faut retenir, c’est que cet album est homogène, possède un charme et une personnalité unique, comme on n’en trouve plus beaucoup depuis quelques annees. En plus, il est varié. Bref, un pur bijou qui n’a pas pris une ride onze ans après, et qui, même s’il demandera pour certains d’entre vous quelques écoutes avant de se révéler pleinement, vous enchantera pour de nombreuses semaines.

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Slanted and Enchanted (1992)

La bande au père Malkmus s’est fait connaitre avec le morceau d’ouverture, « Summer Babe ». Les voici, en 1992, qui débarquent juste apres que les Pixies aient mis la clé sous la porte et l’invasion de Nirvana. Et c’est un sacré coup de fouet : leur son est frais, neuf, sale. La mentalité est novatrice aussi : ici, on s’amuse, on ne se prend pas la tête. Pas de guitar-hero ou de solos de batteries de 20 minutes. Juste les bonnes notes, les bons rythmes et les bonnes phrases au bon moment. On a souvent dit de Pavement au début qu’ils ne savaient pas jouer. C’est peut être vrai dans le sens ou leurs morceaux n’ont pas la plastique irréprochable de certains artistes. Mais dieu merci ! Leur album n’est pas lisse, leurs titres ne sont pas carrés au millimètre près, et c’est ça qui fait toute la différence et la nouveauté. A l’époque, Pavement a été encensé par la critique et les fans sont arrivés par paquets de douze.

Et ce n’est pas compliqué a comprendre ! Plus on écoute cet album, et plus les noms des groupes ayant abondemment puisé dans l’énergie de Pavement viennent à l’esprit (Nada Surf reste un flagrant exemple).

Bref, deuxieme morceau : « Trigger Cut ». Un chant qui déraille, Stephen Malkmus est un non-chanteur. Des guitares qui sonnent comme jamais, des petits solos pas piqués des vers…

Ca s’enchaine avec « No Life Singing » et son debut déjanté. Et toujours ce son de guitare saturé et criant. Malkmus s’énerve vraiment sur ce morceau : il beugle, parle, s’adoucit. Et on passe à « In the Mouth a Desert », dont l’intro est un monument. Ce morceau est tout bonnement genial, et justement, apres l’avoir ecouté, on se dit que « Popular » de Nada Surf n’est pas le fruit de l’immaculée conception ! Passons quelques morceaux pour nous attarder un peu sur le chef-d’oeuvre de l’album : « Here ». Ce qui tue a chaque fois qu’on écoute ce morceau, c’est sa simplicité extrême : la-mi-ré. Point barre, ou a peu de choses près. « I was dressed for success / But succes it never comes« .

Mais revenons a « Here » : comment un morceau aussi simple peut-il être aussi génial ? Facile ! Malkmus chante comme personne ne l’a fait avant, Kannberg joue de la guitare comme personne non plus, la production a un son frais, la puissance mélodique de la chose est imparable.

Vous l’aurez donc compris : en 1992, c’était du côte de Pavement qu’il fallait chercher la nouveauté. Si le groupe n’a jamais eu le succes qu’il meritait, il a largement influencé bon nombre de gaillards et a recolté des critiques plus que positives…

La suite ?

Passons brièvement sur la suite : en 1995, troisieme opus. Wowee Zowee était pressenti par beaucoup comme étant l’album qui allait propulser le groupe sur une tête de gondole internationale. Ils ont eu bien tort ! Pavement était, et sera resté jusqu’au bout un putain de groupe indie, réservé a ceux qui ont cherché de leurs propres mains à explorer l’univers du rock, et à ne pas se contenter de l’immonde soupe que l’on nous sert tous les jours à la TV/Radio/Presse.

Cet album est aussi excellent, bien que plus difficile d’accès. Citons en vrac : « AT&T », « Grounded », « Serpentine Pad », « Flux = Rad », « We Dance », « Grave Architecture », etc… Enormément de morceaux géniaux sur cette galette. Puis ils enchaînent avec Brighten the corners (1997), album passé quasiment inapercu, et recelant pourtant quelques perles indies : « Stereo », « Shady Lane »…

Enfin, sur les conseils avisés de Beck, ils se dégotent un vrai producteur, et enregistrent leur dernier album, Terror Twilight (1999), considéré par beaucoup comme le plus mauvais, car trop surfait et prise de tête. Bref, c’est cet album qui souffle un vent de raz-le-bol au sein du groupe, lequel se dissout un an après, en 2000, au grand désarroi de tous leurs fans.

Mais que sont devenus ces sympathiques jeunes hommes ?

Stephen Malkmus, l’homme qui n’avait pas honte de porter des chemises à carreaux, officie désormais en solo avec déjà trois albums derrière lui. On aime ou on n’aime pas, mais c’est sur que sans ses trois autres acolytes, on sent clairement qu’il manque quelque chose.

Steve Kannberg a formé Preston School of Industry, et s’est tout bonnement servi des morceaux avortés issus du dernier album de Pavement pour en faire un premier album. A écouter. Autrement, on retrouve certains membres de Pavement dans le projet Silver Jews de David Berman, qui est de loin ce qui ce fait de mieux en matière de musique post-pavementienne réalisée par d’ex Pavementiens.

Pour finir, notez que les deux albums précédemment chroniqués ont fait l’objet d’une réédition de luxe comprenant deux CDs chacune, avec au programme : des inédits, des versions différentes de certains morceaux, des Peel Sessions, du live… Que du bonheur !

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