Si vous vous demandez à quoi peut bien ressembler la sculpture acoustique, Won semble bien coller à cette description floue. Il propose, en autant de sushis variés et inventifs, un tour d’horizon anti-stress des plus séduisants.


A l’image de la pochette, la musique de Won est ultra apaisante. Elle peut être prise comme un médicament (un placebo sûrement) dont les effets se font très vite remarquer : esprit tranquille, stress chassé, idées claires et limpides. En fait, ce disque a la même action qu’un bol d’air frais un jour de mal de caboche pesant… ou qu’une discussion longtemps remise à plus tard et qui a enfin lieu, vous liberant ainsi d’un poids énorme.

Pour ceux qui sont durs d’oreille, sachez que cette musique aura sur vous tous les effets possibles sauf celui de vous casser la tête, les oreilles ou les pieds. On se prélasse, on se détend et on se sent très zen. La preuve par cette chronique, qui n’a (promis juré) bénéficié ni de dessous de table ni de menaces quelconques. Non, juste le plaisir – c’est si rare – d’une musique comparable à la vulgarisation scientifique : ça tombe sous le(s) sens.

Mais qui est donc Won, cet énergumène responsable de notre bien-être, fut-ce-t-il passager, et comptant déjà un premier album, Petite inflammation de l’oreille? C’est le projet en solitaire de Sébastien Llinares, un jeune guitariste originaire de Toulouse, âgé de 27 ans, ayant créé sa propre maison de disques, Nowaki. Faites un tour par le site, la cohérence y est de rigueur, avec des pochettes toutes aussi magnifiquement belles et simples. Les connotations japonaises ou vietnamiennes (on pense à ce film, L’odeur de la papaye verte), autant dans les différents noms que dans les pochettes, parfois très naïves, renforcent l’idée zen qui vous conquiert petit à petit.

Pour revenir à son concepteur, ajoutons, sans que cela surprenne, qu’il a suivi des études de musique classique au conservatoire, ainsi que de musicologie. Il se propose, via Won et son label, de populariser, tant que faire se peut, une approche quasi scientifique dans son expérimentation sans bornes (mais jamais à outrance) de ce qu’il appelle le design sonore. Comme si cela ne suffisait pas, le bonhomme participe à plus d’une chose à la fois : fondateur du collectif ObliQ (diffusion des pratiques sonores contemporaines), il joue de la basse, de la guitare et du casio dans le trio Electrophönvintage. Il s’est chargé en outre du décor sonore qui accompagne les textes écrits et lus par Aurélie Le Floch (responsable du sesign de la pochette de Won) pour UMO… En un mot, comme en cent : Sebastien Llinares est un workoolic.

Mais revenons à son dada en solo, Won. A Forest propose 7 titres en 36 minutes. La deuxième plage (elles ne portent pas de titre), par exemple, allie des sons très planants, aériens et organiques à des tapotements de mains du plus bel effet. La plage 6 et sa mise en exergue des fluides vaut le détour également. On tombe très vite sous le charme, sans pouvoir jamais mettre d’étiquette ici ou là. Pour donner des références – je sais que certains ne jurent que par ça, survolant les chroniques -, citons To Rococo Rot, Tarwater ou Re:. Que les français se lancent dans un domaine qui jusqu’ici était le champ d’honneur des allemands et canadiens ne peut que nous conforter. Et, in fine, c’est bien à côté de notre cher Daniel Lanois et son Belladona que l’on a envie de le classer, ce A Forest.

A forest propose sept titres, qui sont comme autant de chapitres d’un carnet de bord, ou, puisque c’est la mode, d’un blog musical nouveau. En fin de compte, on ne serait pas étonné de trouver cette musique dans une séance de méditation, car elle a ce même pouvoir incantatoire. Enfin, on ne s’étonnera point d’apprendre que Won aime jouer – et a déjà joué – dans des lieux de culte.

-Le site de Nowaki
-Le site de Sébastien Llinares