Après avoir renvoyé ses cousins sans ménage, Jim James tente d’apporter quelques nouvelles couleurs à sa pop americana, mais perd un peu de magie en chemin. Il demeure néanmoins quelques perles, et cette reverb jubilatoire.


Si My Morning Jacket s’est affirmé depuis quelque temps déjà (plus précisément le séminal At Dawn en 2001) comme l’un des groupes américains actuels les plus passionnants, ses albums précédents étaient parfois passés relativement inaperçus. Ce nouvel opus, baptisé de la lettre « Z », est plus dignement salué par la critique. Pourtant, dès le morceau d’ouverture, « Wordless Chorus », il n’a pas le charme de l’album précédent, It Still Moves (2003), sur lequel planait une atmosphère dream-pop bien inspirée – celle que l’on retrouve de Galaxie 500 à The Clientele. La production de John Leckie, ambitieuse mais cassant toute velléité lo-fi, y est peut-être pour quelque chose. Mais c’est sans doute le départ du claviériste Danny Cash et, surtout, de l’excellent guitariste Johnny Quaid, qui se fait durement ressentir. Qu’on se rassure pourtant, les tonnes de réverbe sur la voix n’ont pas disparu !

La nouvelle formule, moins excitante, semble à peu près fonctionner sur le bruitiste « It beats 4 U » et le très enlevé « What a Wonderful Man », où les aigus de la voix de Jim James se mêlent à des guitares en furie. Bien sûr, on a déjà vu ça quelque part : du côté de la power-pop de Big Star et de leurs centaines de milliers d’épigones ! Facile, certes, mais comme toujours on s’y laisse prendre. Moins attendu, le rythme reggae d' »Off the Record » n’aurait pas déplu à Joe Strummer, et se distingue comme LA pop-song tubesque du disque. Rien de bouleversant, pourtant. Et où sont donc passées les ballades ? La valse « Into the Woods » récompense cette attente : c’est l’une des rares étincelles de « Z », même si elle utilise de grosses ficelles dignes d’un Dave Friedmann lancé en pilote automatique.

On retrouve alors (enfin !) cet univers très “Americana” des paroles et de la musique, qui a fait de My Morning Jacket la meilleure bande son des grands espaces depuis le Deserter’s songs de Mercury Rev. Mais on préfèrera encore “Lay Low” ou “Dondante” qui, elles, n’affichent pas d’autre prétention que de nous offrir enfin, en toute simplicité, un peu de My Morning Jacket à l’état pur, où les voix et les guitares sortent enfin des exercices obligés. C’était pourtant tout ce qu’on demandait ! De même, on réécoutera en boucle sans problème « Knot comes Loose », qui lorgne cette fois un peu plus du côté de Neil Young. Ces quelques éclairs d’inspiration mis à part, on se lasse assez vite du reste, même s’il pouvait faire illusion à la première écoute.

Car My Morning Jacket s’obstine à vouloir s’aventurer là où on ne les attendait pas. Intention louable, dira-t-on, mais qui ne débouche sur rien de plus qu’un concentré de quelque formules mille fois entendues ailleurs. En essayant d’osciller entre un classicisme pop à la Shins et un néo-psychédélisme à la Flaming Lips, Z se perd dans une synthèse convenue et un peu paresseuse du rock indépendant actuel. Le paradoxe est qu’en voulant changer de registre My Morning Jacket a peut-être un peu trop laissé de côté ce qui faisait son originalité. « We are the innovators, they are the imitators », chante Jim James sur « Wordless Chorus » : attention à ce que cela reste vrai !

-Le site officiel de My Morning Jacket

-Lire également la chronique d’It Still Moves (2003)