Le trio belge, qui a excellé dans le genre trip-hop, tente ici avec succès d’explorer de nouvelles pistes, à même de jouer une thérapie bienfaisante.


Hooverphonic. Bien que l‘on parle plus de Soulwax, 2 many dj’s ou dEUS en dehors des frontières du pays « qui arbore un mec qui vous pisse à la gueule » (pour paraphraser Tapie dans les guignols), c’est ce trio flamand, originaire de St Nicolas (St Niklaas en version originale – il y a au moins un français sur deux qui s’est déjà égaré sur les autoroutes belges, avec des Mons devenus subitement Bergen ou des Lille devenus Rijsel – vive l’Europe !- ), qui est le champion catégorie pop-rock des ventes outre-Quiévrain. Excusez du peu.

Le trio fête ses 10 ans l’année prochaine, et s’est fait une belle petite réputation dans le monde du trip-hop femina en 4 albums. C’est à Bernardo Bertolucci et à son film Stealing Beauty qu’ils doivent une partie de leur notoriété, puisque leur titre « 2 wicky » faisait partie de la bande-son du film. Après ça, ce sont des utilisations dans des publicités, un peu partout dans le monde, qui ont fini de remplir les tiroirs-caisses et d’asseoir leur popularité.

Plus les années avancent, plus le groupe met les petits plats dans les grands. Un double CD, proposant deux fois les mêmes titres, oui, mais avec des lectures vraiment innovatrices et intéressantes. Il y a une chose dont on ne peut pas taxer le groupe : c’est de se reposer sur ses lauriers. En quatre albums, le groupe a convaincu le public (les ventes en attestent mais aussi la tête d’affiche à Werchter devant 50000 personnes en 2001), la maison de disques (chaque disque se vend davantage que le précédent) mais aussi les critiques, qui reconnaissent une ambition artistique toujours plus grande. Une prise de risques aussi. La dernière galette, Sit Down and Listen to Hooverphonic, proposait un enregistrement en semi acoustique avec un quartette à cordes. Alex Callier, la tête pensante du trio, n’a plus besoin d’argumenter sur le documentaire qui accompagne leur dernier disque concernant ses disques préférés, car ça s’entend : Sea Change de Beck, Felt mountain de Goldfrapp, Histoire de Melody Nelson de Serge Gainsbourg et enfin Portishead, et surtout sa chanteuse Beth Gibbons, sont bel et bien en filigrane ici. En effet, qu’ont en commun ces disques ? Les arrangements. Et niveau arrangements, No more sweet music (visez le clin d’oeil à Magritte) n’a pas de leçons à recevoir, avec le Galaxy Orchestra en renfort. Autre particularité de ces références, mis à part Beck, la voix féminine de Geike Arnaert qui vient parfaire un décor digne d’une cinémathèque culte. (Music Box ravira tous les amateurs de Portishead)

La première plage, “You love me to death”, mais aussi « Music box », ont même l’air de caresser dans le sens du poil l’héritage laissé vacant par Dead Can Dance, dans cette utilisation de sonorités moyenâgeuses et/ou exotiques (l’Erhu, par exemple, qui est un violon chinois, sur « We all float » ). Le disque comporte même des titres comparables au modus operandi du Buena Vista Social Club, avec des petites percussions cubaines caressées par des arpèges flamboyants sur « More sweet music ». Les titres se succèdent, et on se trouve dans un état de lévitation agréable, doublé d’un sens de la classe rare. La voix de Geike Arnaert est envoûtante, comme à l’accoutumée, et ne fait que renforcer le sentiment de séduction. Enfin, Raymond Geerts apporte sa touche rock-folk, tantôt avec des guitares sèches, tantôt avec un riff aérien. Du coup, le rock électro d’un Rhinocérose est également palpable, sur « You Hurt me », l’un des singles en puissance avec « Wake up »).

Alex Callier, passé à la production et aux arrangements, réussit haut la main le défi qu’il s’était donné – en plus d’écrire (3 morceaux reviennent à Geike Arnaert) et de composer les morceaux tout en officiant aussi à la basse. Il a mis le pied à l’étrier pour plus se livrer lui-même, en guise de thérapie, avec plusieurs chansons traitant de la fausse-couche de sa compagne (« My Child », « You love me to death »). Il dit que l’âge et les événements lui ont démontré qu’en se dévoilant totalement on était plus à même de se dépasser.

Histoire de servir tout le monde, et aussi probablement pour faire d’une pierre deux coups en faisant coïncider la sortie du CD avec la nouvelle technologie lancée par leur label Sony (le dual disc : un cd double face, avec d’un côté CD audio classique, de l’autre DVD ou audio amélioré – pour détenteurs de Home bazar trucmuche), le trio propose sur le deuxième CD des enregistrements différents de chaque plage. On résumera en indiquant qu’il s’agit ici d’une relecture plus trip-hop, voire plus dub parfois, mettant en avant la basse, les voix (dont celle de Daan sur « Ginger » ) et les synthés. Ce deuxième CD est en tout cas loin de n’être qu’un faire valoir du support audio : les deux volumes sont tout aussi efficaces et réussis. L’idée n’est pas mauvaise, et donnera probablement du grain à moudre aux vendeurs Hi-Fi en mal d’arguments. Ainsi qu’aux journalistes à qui il ne reste qu’une question à pouvoir poser : pourquoi ne pas avoir écrit les titres en version heavy metal ?

On se demande, à l’écoute de cette plaque faisant grand appel aux instruments classiques, si la prochaine étape ne sera pas cinématographique. Enfin, c’est tout le mal qu’on leur souhaite !

Le site de Hooverphonic