Retour de Readymade (FC) avec un second album plus aventureux, où l’électronique devient désormais serviteur d’une pop élégante et bardée d’influences. Un secret bien gardé qui ne devrait plus l’être très longtemps.


Lorsque Alexandre le Grand franchit les portes de la somptueuse cité de Babylone, beaucoup de ses sujets crurent que l’édification de son immense empire toucherait à sa fin. Mais c’était sans compter sur l’ambition démesurée du chef de guerre, qui poussa son armée jusqu’à ses retranchements en Inde, défiant ainsi les éléphants et y livrant sa dernière bataille. Aujourd’hui encore, on se demande pourquoi le macédonien n’est pas resté couler des jours heureux dans la «porte des dieux», réputée pour sa fastueuse richesse et ses beautés paradisiaques.

Babylone, cette cité détruite par les guerres, est devenue au fil des siècles objet de mystères, et interprétation à des fantasmes subjectifs. En rêveur invétéré, Readymade FC a voulu se créer sa propre chimère, à sa modeste échelle musicale, bien sûr.

Sous le patronyme de Readymade FC se cache le Français Jean-Pierre Verdin. Celui-ci s’est fait connaître en 2001 au sein du label F-com, livrant un premier album sensible de berceuses electro pop. Electron libre, il s’est ensuite égaré en composant pour les défilés de mode (Hedi Slimane), une série TV chirurgicales(Nip/Tuck), ou en réhabilitant le super retraité (Henri Salvador). On ne parle même pas ici de ses projets post Babilonia, limite déroutants (musiques de ballets, un disque en français…). L’échéance du second album se faisant attendre depuis quatre ans, il nous égraine quelques excellents singles ou remixes en forme d’amuse-gueules, en se languissant déjà du résultat.

Babilonia est un disque fantasmé qui ne pouvait trouver meilleure dénomination. Les mélodies enfantines qui avaient fait tant le charme de Bold perdurent sur ce second opus. Readymade (désormais rajouté d’un FC) se plait à échafauder un petit monde naïf et mystérieux, non sans évoquer l’univers fantasmagorique d’un Tim Burton. Et puis la densité mélodique a encore gagné du terrain. En vérité, nous avons affaire à un vrai disque de pop, avec des harmonies sublimes et un détail de l’enveloppe charnelle particulièrement soigné. En multi-instrumentiste, il sait fignoler des pop-songs fragiles, luxuriantes, presque féeriques tellement les sons qui en émanent semblent tendre vers un idéal de sensibilité.

L’introduction de “Cirkus” marche sur les plate-bandes du “One” d’Harry Nilsson, positionnant clairement Verdin comme un aspirant mélodiste de haute volée. Mais c’est aussi un stakhanoviste du son, recherchant toujours de nouvelles sensations pour accompagner ses chansons : ballade folk fantomatique, esthétique Mod à la Kinks (“The Last Time”), au trip-hop sophistiqué d’un Portishead , Readymade FC parvient avec succès à tarabiscoter les genres en les fondant sur un socle solide. Le chant de Verdin, à la fois renfermé et mélodieux, n’est pas sans rappeler les mésestimés Cardinal, plus précisément le songwriter américain Richard Davis. Niveau chant d’ailleurs Readymade FC peut aussi compter sur quelques présences prestigieuses. Son vieil ami, David Sylvian (déjà présent sur Bold) est venu poser sa voix gutturale, reconnaissable entre mille sur “A Fire in The Forest”. La belle canadienne Feist est également conviée sur « Snow Lion », insufflant au morceau le charme qui a tant fait le succès de son album. Plus surprenant, Yael Naïm (chanteuse des 10 commandements !) fait des merveilles sur le très baroque “Slide” avec ses chants de muse ou encore le candide single “The Only One”. Plus improbable, “Simple Appareil”, petit défouloir accompagné d’une guitare électrique puérile, un peu trop amateur et prévisible pour convaincre réellement. Un peu dommage, surtout que le morceau tranche avec le reste du disque qui n’est que bercement.

Bien que gorgé d’influences anglo-saxonnes, Babilonia laisse enfin transparaître un chic bien « français » qui devrait en convertir plus d’un.

-Le site de Readymade FC
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