Musique et condition sociale ont toujours fait particulièrement bon ménage chez nos voisins anglais, au point que cela semble être devenu la norme dans leur industrie.


De la naissance du punk aux ex-chômeurs de Kaiser Chiefs, on ne compte plus le nombre de formations dont la prophétique Albion a accouché en suivant ce schéma, comme si ses propres sujets étaient finalement les premiers à pâtir de sa légendaire perfidie.

Mais là où leurs camarades de Leeds s’imposent comme la nouvelle nouvelle nouvelle (ad lib) référence du moment en arrosant les ondes de leurs refrains aussi entêtants qu’entraînants, Hard-Fi joue clairement la carte sombre et imprime en filigrane à tout ce premier album une sinistrose insidieuse subtilement diluée dans la réverb’ d’un dub anthracite, relevé ici et là d’une pointe de jaune vif ; tel un graffiti sur le mur d’une usine désaffectée.

Premier single, Cash machine ouvre le bal de l’amer et donne le ton en racontant l’histoire d’un gars que le distributeur de billet refuse déjà de servir alors qu’il a touché sa dernière paye il y a pas une semaine. Encore trois semaines à tenir, plus d’unités sur son mobile, quelques contraventions et sa copine qui tombe enceinte, le pauvre gars en finit par se demander s’il ne bosse pas finalement que pour le compte du distributeur. Orwell dans l’ombre de Kafka.

Le zapping continue, survole le conflit irakien (Middle-eastern holiday) vu à travers les yeux d’un jeune anglais musulman soudain désireux de prendre les armes, passe sur quelques histoires d’amour plus ou moins foireuses (Hard to beat, Better do better), s’attarde évidemment sur la condition de prolétaire (Living for the week-end et son jeu de mots à la sublime équivoque) et termine sur l’aliénation de l’homme moderne par l’omniprésence de la caméra (Stars of CCTV), jusque sur la pochette de l’album dont l’austérité rappelle fortement l’esthétique soviétique des années 80 (évoquée dans le titre).

Une impression largement confirmée par le parti pris de la production qui lorgne très ostensiblement sur l’architecture sonore des 80’s, comme pour faire écho aux tubes synthé-pop qui foisonnaient du temps honni où la dame de Fer régnait sans partage sur l’île. En résulte une forte identité sonore, improbable mélange entre une pop électrique raclant l’asphalte réhaussée de sublimes arrangements piano/cordes et un dub urbain délicieusement intemporel (cet inénarrable mélodica…), exécuté dans une plainte rageuse ; de cette rage propre à ceux qui veulent désespérément s’extirper du prolétariat à la sueur de leurs guitares.

Il suffit pour s’en convaincre d’écouter leur interprétation très personnelle du Seven nation army des Whites Stripes (face B du single Tied up too tight)…

-Le site d’Hard-Fi