Ceci n’est pas un nouvel album de Sonic Youth, mais l’enregistrement d’une prestation avant-gardiste. A réserver aux fans purs et durs ou aux artistes contemporains en quête de performances. Pour les autres, vous pouvez toujours l’acheter, car c’est pour une bonne cause.


Ils sont gentils à la Pinkushion team ! Depuis septembre, je suis le nouveau travailleur de l’ombre de ce site. Je veille à ce qu’il fonctionne le mieux possible et explique aux autres pourquoi certains de leurs articles n’apparaissent pas en temps voulu. J’ai même fait des miracles pour réduire les coûts pharaoniques (j’exagère un peu) qu’engendrait ce site. Bref, vous ne vous rendez certainement pas compte, mais depuis septembre, il y a eut du pain sur la planche ! Jusqu’à présent, je n’apparaissais jamais en première ligne, mais fin décembre, Laurent m’a pris par les sentiments en me proposant de chroniquer le dernier Sonic Youth. En tant que fan pur et dur du groupe new-yorkais, je me voyais mal refuser une telle proposition. Me voilà donc avec la galette entre les mains (par la même occasion, il en a profité pour me refiler un truc insipide nommé Electric President) pour découvrir qu’il était question d’un album labellisé SYR… Je me préparais donc à devoir chroniquer l’inchroniquable.

Tout d’abord, un peu d’histoire pour les néophytes de la jeunesse sonique. Depuis toujours, les membres de Sonic Youth méritent vraiment l’appellation « artiste » tant ils multiplient les projets parallèles avec pléthore d’artistes, vidéastes ou plasticiens en tous genres. Il n’y a pas plus tard qu’un an, j’ai encore eu l’occasion de voir le guitariste, Lee Ranaldo, s’exercer à des improvisations obscures sur des films expérimentaux hypnotiques, et ce, dans une petite salle du Palais des Beaux Arts de Bruxelles. Jusqu’à la fin des années 90, il fallait être vraiment mordu pour obtenir les enregistrements de ce genre de performances, parues le plus souvent sur des petits labels inconnus. A la fin des années 90, Sonic Youth a décidé de fonder son propre label, le subtilement nommé Sonic Youth Recordings (SYR) histoire de donner une plus grande visibilité à sertains de leurs projets expérimentaux.

Les trois premiers albums parus sur SYR étaient relativement accessibles et servaient même de laboratoire vu que c’est sur le troisième de la série qu’a débuté la longue et fructueuse collaboration avec ce petit génie de Jim O’Rourke. C’est à partir du quatrième opus, l’exigeant Goodbye 20th Century, que Sonic Youth se lâche en interprétant des oeuvres obscures issues de la crème des compositeurs avant-gardistes contemporains: John Cage, Steve Reich, Yoko Ono, Christian Wolff… La tournée qui s’en suivit fut cocasse. Sonic Youth jouait dans des théâtres devant un public qui, ignorant totalement le concept, partait complètement décontenancé. Reste que l’intérêt de ce genre de performance est justement sur scène et non sur disque. Il faut les voir jouer ces morceaux bruitistes pour le moins abstraits pour s’apercevoir que c’est plus réfléchi que cela en a l’air.

Voici donc la sixième pièce parue sur SYR (entre la quatrième et celle-ci, il y a eu un disque d’ambiances tordues et torturées enregistré par Kim Gordon, DJ Olive et Ikue Mori). Comme dit plus haut, il ne s’agit pas d’un enregistrement studio, mais de la captation d’un concert au profit du The Anthology Film Archives, centre new-yorkais axé sur la promotion du cinéma d’avant-garde. Les ventes du CD bénéficieront également au centre en question.

Pour cet enregistrement datant de 2003, le groupe est accompagné par le percussionniste Tim Barnes et joue sur des films du cinéaste expérimental Stan Brakhage. Sans prétendre connaitre ces deux noms, j’ai appris que Stan Brakhage a joué dans Cannibal! The Musical qui a marqué les débuts de Matt Stone et Trey Parker, futurs créateurs de South Partk.

Le concert compte trois parties d’environ vingt minutes chacune. La première partie repose sur une rythmique quasi sourde sur laquelle se superposent méthodiquement des nappes d’accords dissonants et semblants de riffs insondables évoquant par moment les tous premiers albums de Sonic Youth. Le morceau évolue lentement en crescendo vers des ambiances plus envolées, teintées d’éclairs d’électricité. La deuxième partie est une variation plus angoissante de la première. Les guitares se font stridentes et nerveuses. Des vocalises plaintives et triturées de Kim Gordon n’en finissent pas de vous crisper. La troisième partie échappe à toute tentative de description. Tout n’est que fracas de sonorités électriques sur fond de jeux de batteries illogiques. Tous vos repères volent en éclat. C’est éprouvant et quand après 10 minutes le morceau s’emballe pour devenir une véritable bacchanale électrique, on est content de retrouver le Sonic Youth que l’on connaît.

Au final, 66 minutes d’ambiances électriques abstraites sur lesquelles, soyons honnêtes, vous pouvez coller à peu près n’importe quel discours d’autant plus qu’il manque un élément essentiel à ce CD : les films sur lesquels a été improvisée la performance. Cela aurait pu faire l’objet d’un DVD, non?