Citoyen allemand d’origine polonaise, l’ingénieux Turner se caractérise par une légère préférence pour les sonorités électroniques. Et pourtant. Avec Slow abuse qui succède à son A pack of lies, Turner décloisonne avec brio les genres musicaux.


Turner : peintre anglais des atmosphères tourbillonnantes, des clairs-obscurs vaporeux. Hasard opportun ou clin d’oeil malicieux, le pseudonyme de Paul Kominek annonce la couleur. Slow abuse se présente en effet comme un album aux multiples visages, mariage réussi de boucles électroniques, de guitares lascives et de voix chuchotante. Paul Kominek a décidé de s’aventurer sur les terres lointaines de la mélancolie. Une musique épurée et réfléchie, portée par le perfectionnisme de Paul «Â Turner », qui a passé presque trois ans à peaufiner cet album. Perfection captivante d’un genre hybride, lorsque folk, pop et électro ne font plus qu’un. Turner serait donc une sorte d’alchimiste, et modeste avec ça.

Dès l’ouverture de Slow abuse , l’intensité de « You love sorrow » nous remue : batterie sourde et guitares répétitives, la mélodie évoque une litanie, servie par des paroles explicitement mélancoliques :
« You… love… sorrow, and there’s nothing… I could do about it. »
Le ton est donné. D’aucuns le surnomment déjà l’ Elliott Smith de la musique électronique, mais, à bien y réfléchir, s’agit-il encore de musique électronique ?

Turner transcende en effet les critères habituels du genre. Ici, la voix prédomine, tout comme une organisation assez classique des chansons : couplets ponctués de refrains énigmatiques et entêtants : « statistically, loneliness is impossible… » Seule l’electronica timide de « When will we leave » agit comme la réminiscence d’une musique électro-organique. Car Turner a réussi le prodige de faire résonner les guitares à la manière de sonorités électroniques, et vice-versa. Usant de réverb’, Turner confère à ses mélodies une multitude d’échos et autres scintillements : « She was sent », « I am Autumn » ou « Slow abuse » sont construits sur ce principe. Un son à part, qui n’est pas sans rappeler les boucles du Seventeen seconds de Cure.

Avec Slow abuse, la musique de Turner a gagné en gravité, en clair-obscur intimiste. Un album personnel et attachant, sans prétention et pourtant relativement abouti. A l’image de ce compositeur habitué des contradictions. « I am Autumn… and you are spring… ».

-Le site de Turner chez Mute

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