L’illustre Ride en chef publie son premier album solo après 10 ans d’abstinence sonique. Et surprise, c’est un Mark Gardener élégant qui nous fait partager de très belles ballades apaiseés.


Anorak quiche troqué contre veston chic, mèche capillaire amputée et le regard toujours égaré : c’est désormais flanqué d’une allure de dandy que nous retrouvons Mark Gardener, une vieille connaissance. Celui dont on misait tant au début des années 90, aux côtés de ses frères nucléaires de Ride a désormais la trentaine bien avancée et l’état d’esprit qui va avec. Considéré comme l’un des groupes fleuron des années shoegazer, Ride, potager sonique du Gardener («jardinier en sous-titré») avait cultivé de bien beaux champignons hallucinogènes en son temps : quelques premiers Eps mémorables et deux albums intenses Nowhere (1990) et Leave Them All Behind (1992). Parti en tête de peloton, l’inspiration s’effiloche pourtant rapidement (bien que Carnival of Light mériterait réévaluation) et le groupe commence à se remettre en question après le carton monstrueux d’Oasis, nouveau chouchou d’Alan Mc Gee au sein de son label Creation. Une veine tentative de reconversion britpop plus tard, Gardener claquera la porte durant le mixage de leur dernier album. 10 ans plus tard, la toile d’araignée laissée par Tarantula ne semble toujours pas se décoller du plafond.

Ce n’est pas peu dire que la carrière post-ride de ce musicien précieux laisse traîner un arrière goût de désillusion artistique. Après un très long passage à vide de 6 ans, Gardener émerge enfin du gouffre en 2003 avec un single et un disque live acoustique (Live at the Knitting Factory NYC) où il y interprète ses chansons glorieuses et une poignée de nouvelles compositions. L’ensemble laisse augurer des lendemains radieux. Les délais seront pourtant encore une fois repoussés, le temps de dégoter son side-band idéal en la personne des champêtres Goldrush.

Si Ride est resté fameux pour ses spectaculaires envolées shoegazer, on a tendance à oublier leur talent à développer des harmonies vocales singulières empruntées aux gazouillis des Byrds. Il n’est donc pas étonnant à l’écoute de Sleeping With Ghosts que Mark Gardener concentre aujourd’hui tout son art sur le songwriting mélodique. Les démonstrations de drones saturés ont laissé place à des ambiances boisées exigeantes. Le Byrdsien en diable “Snow In Mexico” semble reprendre les choses là où Carnival of Light les avaient laissées : guitare folk en bandoulière et arpèges de Rickenbacker procurent un zeste de psychédélisme. Les mélodies sont solaires et spacieuses, quelques claviers entretiennent le mystère autour de cette voix prodigieusement intacte. Désormais épuré, son chant s’avère exceptionnel et rivalise de pureté avec celle d’un Joe Pernice (le limite plagiaire “Getting Out Of Your Own Way” ). Bien qu’on a un peu de mal au départ à retrouver les instant privilégiés d’un “Seagull”, “Close My Eyes” ou encore “Only Now”, ce nouveau parfum pop agit incontestablement.

Le temps passe, mais Gardener n’a pas oublié d’être ambitieux. Une poignée de titres sont tirés vers le haut par des arrangements superbes et classieux, dont la production de Bill Racine (Roguewave, Mercury Rev, Flaming Lips) y est certainement pour quelque chose (“Water And Wine”, “To Get Me Through”). La collaboration culmine sur “Beautiful Ghosts”, une pirouette orchestrale surprenante dont la trame dramatique se mouche dans le même kleenex que le “Nights In White Satin” des Moody Blues. Ces prospections aventureuses débordent aussi avec l’incongru “Flaws Of Perception”, un instrumental plus Moby(lette) qu’autre chose.

Désormais en quête de sérénité, nous sommes heureux d’apprendre que Mark Gardener vieillit bien. Et même si quelques compositions ne sont pas à la hauteur, c’est avec stupéfaction que l’on constate que son pouvoir d’attraction vocale est intact. Ouf, nos chapelles de jeunesse sont saines et sauves.

-Le site officiel de Mark Gardener