Une pop folk en provenance du soleil levant, à la fois timide et ambitieuse, fourmillant d’audacieux collages mélodiques. Bien malin sera celui qui en trouvera la clé.


Un voile épais et mystérieux plane au dessus du japonais Shugo Tokumaru. Outre la barrière de la langue et trois océans qui nous séparent, les informations autour de ce musicien de 26 ans, résident de la banlieue de Tokyo, passent par un filtre bien mince à destination de la vieille Europe. On sait seulement que lorsque ses amis Phil Elverum (The Microphones), M. Ward, Jens Lekman ou encore Why ? viennent lui rendre visite, Shugo Tokumaru ne se contente pas de jouer les guides touristiques, et part les accompagner en tournée.

Son premier album Nigh Piece s’improvisait mécène d’une folk pop chineuse et insaisissable, semant le désordre dans nos têtes : serait-ce un Django Reinhardt épris éperdument d’amour pour les disques solo de Jim O’Rourke ou encore un José Gonzalez buvant le saké dans la caisse de résonance d’un ukulélé ? Enregistré en deux semaines, le disque s’est entiché sur Pitchforkmedia de la note très convoitée de 8,6/10, lui procurant une certaine renommée dans le milieu alternatif par delà son beau pays du soleil levant. Malheureusement, rares sont les oreilles fureteuses qui sont parvenues à mettre la main sur ce petit bing bang lo-fi – à moins que vous ne traîniez du côté du quartier parisien de la Bastille chez l’enseigne Bimbo Tower.

Tel un Marco Polo des temps modernes, ce sont de nouveaux les activistes à ressort d’Active Suspension qui ont bravé ciel et mer pour nous rapporter dans leurs cales ce second opus. On remercie mille fois ces explorateurs du territoire sauvage électro pop (dont la mascotte est un étrange monstre poilu, au fait quelle est la parabole avec toutes ces merveilles qu’ils sortent ?) pour nous avoir débusqué ce petit bijou.

L.S.T est le pendant protubérant de Nigh Piece. Shuko Togumaru (la fonction copié/collé est utilisé à bon escient sur son nom) s’est enfermé durant un an pour fournir cet effort massif. C’est l’oeuvre d’un maniaque du son qui porte en lui le souci du détail. Chaque morceau est d’une méticulosité presque maladive, bouillonnant d’arrangements et d’instruments mignons (mandoline, ukulélé, scie musicale, boite à musique, gazouillis d’oiseaux). Le côté lo-fi du précédant dicté par une guitare sèche s’ouvre maintenant à des espaces nettement plus abondants. L’instrument folk par excellence est entraîné dans un environnement fantasmagorique où ne rêgneraient que joliesse et innocence. Les structures pop consensuelles sont inexistantes et pourtant il cohabite bien dans ces chansons une surabondance de mélodies qui provoquent des accidents heureux. On serait tenté d’évoquer encore une fois Loveless, Song Cycle ou encore la musique de chambre pour donner une petite idée de la folie qui s’y trame.

Le jeune homme chante en japonais, mais sa voix est tellement douce et peu amplifiée qu’on ne perçoit que son joli phrasé mélodieux. « Mushina » donne les même nuances que Roguewave et les Shins, avec un goût plus affirmé pour le tarabiscoté. « Mist » est une ambitieuse pièce montée pop alternant pêle-mêle les vignettes : interlude de slide guitare, folksong confinée et pop spectrale. “Yukinohaka” est une virée acid-folk où l’on ne distingue plus si la bande est passée à l’endroit ou à l’envers. Plus on avance dans ce disque, moins le monde semble cruel.

L.S.T pourrait être renommé L.S.D tant l’empreinte psychédélique imprime ce disque définitivement. Un doux rêve éveillé.

– Le site officiel

– Le site du label Active Suspension

– Quelques titres en écoute sur myspace.com