Retour de la caravane de Greg Dulli dans les territoires rock/soul qui procurent des désillusions magnifiques. Et puis il y a toujours cette voix, brûlante et autodestructive.


Et de quatre pour The Twilight Singers. Ce qui ne devait être au départ qu’une petite incartade sans lendemain pour l’ex Afghan Whigs Greg Dulli s’est imposée comme une activité à plein temps.

Du fait des changements de line up incessants, il est difficile de considérer ses «chanteurs du crépuscule» en tant que groupe à part entière, mais plutôt comme les aventures solo de Greg Dulli, ponctuées de rencontres. Ce qui n’a pas empêché celui-ci d’enregistrer un album sous son propre nom l’année dernière, Amber Headlights. La cadence de travail depuis …Blackberry Belle – qui date déjà de 2003 – n’a donc pas ralenti, loin de là. Partagé entre Miami, Los Angeles et la Nouvelle Orléans, Dulli, ce marathonien de la cause rock a juste pris le temps de se refaire une saine santé, prendre un peu de poids et renouer avec l’inspiration. A défaut de nouvelles compositions, il nous a offert entre-temps un disque de fans, She Loves You (2004), plein à craquer de reprises fantasmées (Gershwin, Björk, Coltrane, Mazzy Star…).

On peut constater avec Powder Buns une progression d’intensité similaire avec celle du Gentlemen des Afghan Whigs – soit aussi leur troisième véritable album. Car Powder burns est un grand disque, aussi digne que les décorations méritées par les « libéraux afghans » au cours de leurs grandes bravades 90’s. Il est aussi question sur cet opus de lutte pour la survie : une partie des compositions a reçu de plein fouet l’impact de l’ouragan Katrina. Le groupe est retourné enregistrer dans son studio fétiche juste après le déchaînement naturel et a ainsi constaté les conséquences et dégâts de ce spectacle dévasté. Et celui-ci semblait à peu près comparable au désordre mental de Dulli à ce moment-là. Il nous parle, du fond du gouffre, de tempêtes, mais pour la première fois en percevant une lumière au bout du tunnel. D’où d’ailleurs la difficulté – à moins d’en avoir pris connaissance – à distinguer à travers les paroles quels sont les titres enregistrés avant et après les séances à la Nouvelle Orléans, tant le désordre et la colère y règnent.

Le premier album des Twilight Singers tournait le dos aux guitares abrasives pour donner le change sur des arrangements électroniques apaisés. Mais plus les Twilight Singers avancent dans le temps, plus le rock reprend ses droits. Et c’est justement dans ces instants chavirés (“I’m ready”, “Bonnie Brae”, “Forty Dollars”) que Greg Dulli parvient à se dépasser. Sur ces vaillantes tirades rock, sa voix enfumée dégage une force et vérité qu’on retrouve chez peu de ses contemporains, excepté Mark Lanegan, qui est d’ailleurs du voyage. Le chant lointain de Joseph Arthur sur “Conversation” procure également un duo empli de soul mémorable. Une bonne poignée de ballades soul rock marquées de la griffe Twilight Singers converge et laisse des marques bien profondes : les violons arabisants de “There’s Been An Accident”, un bouleversant “Underneath the Waves” faisant écho à Katrina, ou encore l’épique “Powder Burns” qui semble courir après on ne sait quelle ferveur. Mais, c’est avec le tendu “Dead To Rights” que l’instant de grâce est atteint : Dulli brisé, y chante alors comme un dieu. Dans ces moments précieux, Powder Burns ne nous lance pas de la poudre aux yeux, cette poudre brûle nos yeux.

– Le site des Twilight Singers