Le troisième album d’An Pierlé, riche et varié, est aussi celui de la maturité qui la propulse directement dans la cour des grands.


The best things come first. Comme la fin d’un superbe film qui nous a fait verser quelques larmes, et qui compte pour toujours dans notre histoire émotionnelle, « Jupiter », qui ouvre l’album, vous colle aux baskets d’une manière plus que subliminale. Oui, ce titre frisant la perfection – avec « Tenderness » – nous en met plein les oreilles et les émotions. Ce lyrisme magique nous fait entrer dans un univers absolument fabuleux.

La suite ne fera jamais baisser la haute impression du début. « How does it feel », avec ses paroles plus que censées et touchantes, nous laisse entendre une femme à la voix haut perchée qui, avec son mari Koen Gisen, nous livre des compositions d’une grande finesse. Comme chez ses compatriotes d’Hooverphonic, une plus grande place a été donnée à la chanteuse par le mari maître d’oeuvre, devenu quant à lui producteur. En hora buena. Après Mud Stories en 1999 et Helium Sunset en 2002, An Pierlé a semble-t-il trouvé la voie de la sagesse et de la maturité.

« Good Year », « I love you », « Not the end », les titres défilent et on est littéralement époustouflé par le style, les paroles, la production, la variété et la richesse mélodique et instrumentale : la justesse, la précision de l’ensemble – chaque note, chaque instrument semble être à sa place – sont épatantes. Pour tenter d’être plus précis encore, disons que ce disque fait partie de ceux dont on ne se lasse qu’au bout d’un nombre ahurissant d’écoutes – on a dépassé la quinzaine et l’ennui ne se fait toujours pas sentir -, et fait donc partie de ceux que l’on écoutera, la tête bourrée de souvenirs de plénitude heureuse, encore longtemps et souvent à l’avenir. Un peu comme si notre vie était un film, et que certains albums y figuraient comme autant de bandes sonores. « I love you » comme elle le chante si bien, accompagnée de son piano, de choeurs, d’arpèges et d’une clarinette. Mais on a beau tenter d’expliquer, c’est difficile, car cela touche à l’indicible.

L’album a demandé un an – «it’s been a good year» chante-t-elle – de gestation au couple, et a été enregistré quasi entièrement chez eux, à Gand. White Velvet, nom donné à la fois au disque et au groupe, est à la fois, aux dires du duo, un hommage au Velvet Underground et à son album White light White heat et au film Blue Velvet de David Lynch. Durant l’enregistrement, une recherche sur le net les fait atterrir sur un fanzine allemand sur les caniches géants : cette découverte fortuire aura de la suite dans les idées. La pochette, piquée à une représentation de ce même chien sur assiette, les photos avec les masques de caniche et An sifflant les toutous ou le caniche en peluche qu’elle trimballe avec elle sont autant de dérivés exploités jusqu’à la moëlle.

Avec « Tenderness », on pense indéniablement à Kate Bush, et plus précisément à son dernier double album Aerial. Mixé par Jon Kelly (Kate Bush, The Beautiful South), les ambiances feutrées et méticuleuses, le jeu de piano (qu’elle joue depuis toute petite), la voix surtout : tout concourt à la rapprocher de la muse Bush, en sus de Tori Amos, référence maintes fois évoquée lors des premiers albums.

Les arpèges, et les cuivres dans une moindre mesure, tiennent ici une place de choix et donnent à l’ensemble une consistance. « It’s got to be me » fait office avec « Mexico » des petits trublions de gaieté sur le disque, rappellant en quelque sorte ses deux premiers albums. Des titres comme « Snakesong » permettent à toute la bande et à l’orchestre qui les accompagne de se déchaîner, distillant une énergie très riche, ou, comme sur « Tenderness », un semblant de progressive rock.

La deuxième partie de l’album (« Poor Danny », « Cold winter ») est plus axée sur la musique américaine, aux frontières de la country, du folk et du rock. Le duo chanté avec son mari détonne un peu.

In fine, on se surprend à appuyer sur la touche play une fois le disque terminé. Mais on nous y reprendra pas, car la touche repeat nous fait de l’oeil.

– Le site d’An Pierlé