La mélancolie a un nouveau nom : Flowers from the man who shot your cousin. Soit un album de ballades humbles et épurées, composées par un jeune songwriter imprégné de l’univers de Leonard Cohen.


Honnêtement, qui accepterait des fleurs de la part de « l’homme qui a tué (s)on (propre) cousin » ? Il faudrait posséder une forme aiguë de cynisme – ou de désespoir, c’est selon. Pourtant, l’homme qui se cache derrière cet improbable pseudonyme n’a rien d’amer. Juste un songwriter mélancolique certes, un peu nostalgique aussi, qui reprend une fois de plus le flambeau des folk-songs, dont la simplicité n’a d’égal que la fulgurance. Il ne faut donc voir dans cette étrange appellation qu’un cadavre exquis, ou mieux, un nom supplémentaire sur la liste des formations de plus de huit syllabes. A première vue, la pochette donne le ton : un cheval noir, un chemin de terre, des buissons épineux… Il n’en faut pas plus pour inviter l’imaginaire associé aux songwriters (néo)folk : il va certainement être question de chevaux, de périples beatnik, de solitude magnifiée au son d’une six-cordes… Bref, l’ombre de Will Oldham se dessine sur cette couverture qui a tout d’une citation, implicite et caricaturale à la fois. Mais dès l’introduction, « The branch » étonne par une simplicité désarmante : des accords gratouillés et une voix douce, dont les intonations rappellent immédiatement Leonard Cohen à ses débuts. Celui-là même qui a écrit tant de chansons poignantes de véracité et d’humilité, accompagné de sa seule guitare sèche. Car Morgan Caris – alias Flowers… – a choisi volontairement une restriction des moyens, des arrangements, des instruments : sa paisible association voix/ guitare sèche n’est agrémentée de quelques artifices que sur certains titres. Un tambourin sur « I do not love you anymore », un timide violon sur « Childhood » ou sur « Crow black harm », ou bien une flûte (« Saddled up »). Un élan minimaliste qu’on ne peut que saluer en ces temps de surenchère rock.

A cette nuance près : n’est pas Leonard Cohen qui veut. Et la référence au poète de New York, qui se donne tout d’abord comme une surprenante ressemblance, flirte rapidement avec l’identification pure et simple. Et Flowers… de délivrer des morceaux qui auraient pu faire partie des bonus tracks de Songs from a room (1969). Troublant. Les arpèges mineurs comme unique accompagnement (« Girls »), et ces intonations singulières que Morgan Caris semble s’être approprié avec une facilité déconcertante : accents traînants, sonorités tantôt rondes, tantôt nasillardes accordées aux mots. Certaines pistes ressemblent donc à un copié/ collé éhonté : notamment « Lay down your arms » avec la gravité d’un violon, ou « Girls » agrémenté d’une voix féminine à l’octave, ou encore « Poscard from a river » et « Running dry » qui clôt l’album. Plutôt réussies, même si on ne peut s’empêcher de penser que ces chansons pèchent par un manque de singularité. Heureusement, d’autres morceaux savent se démarquer, en particulier « I do not love you anymore », ritournelle douce amère au refrain simple et efficace (« Why do you come around my door? I do not love you anymore »), dans laquelle Morgan Caris côtoie Smog. Ou encore « Crow black harm », où il reprend avec malice les commandements du chanteur folk dépressif : « I dont eat well, I dont sleep well, I dont wash and I dont cum, I dont answer the phone… ». Auxquels il ajoute, avec une candeur feinte : « Is there something I’m doing wrong? ». Ce regard acide sur sa profession – et ses propres clichés – rend ce jeune chanteur éminemment sympathique.

Toutefois, à ces quelques exceptions près, le reste de l’album reste relativement terne : ni tout à fait mauvais, ni franchement révolutionnaire. A trop tutoyer la mélancolie, le résultat en frôle parfois l’ennui. « Sweet wife » par exemple avec son tempo neurasthénique : « I’ve never seen you so sad or so quiet » est un peu ce qu’on ressent à l’écoute de cette ballade moribonde. Ou encore « Mouldings », autre chanson mollassonne, alors même qu’on aurait aimé voir Morgan Caris prendre plus de risques, quitte à s’affranchir définitivement d’un héritage lourd à porter.

– Deux titres en écoute sur myspace

– Le site de Waterhouse Records