Herbergé sur Misra records, ce trio américain zêlé bâtit une pop psychédélique insouciante, prête à s’embarquer dans des dérivations bruitistes ou porter des ballerines et danser sur une mélodie cristalline.


On vous parlait de Gravy la semaine dernière, un danois déjanté que l’on vous décrivait suivant ces termes : feux d’artifice pop, psychédélisme, bordel joyeux… Aujourd’hui, on vous parle d’Evangelicals. Bien que l’on pourrait user d’adjectifs semblables pour qualifier leur univers, ces deux activistes n’ont pas grand-chose en commun. En vérité, on a omis de mentionner un mot crucial chez Evangelicals qui réduirait à néant toute affiliation : désorientation. Nos héros du jour aiment perdre leurs chansons dans la folie douce.

Evangelicals, ce sont trois amis étudiants natifs de Norman, Oklahoma : Josh Jones (24 ans), Kyle Davis (21 ans) et Austin Stephens (26 ans). Si l’on consulte le registre des naissances du patelin et ses illustres formations rock répertoriées, le coin aurait les allures d’un Smallville en puissance. Les Flaming Lips, et les déboulonnés Starlight Mints y figurent en lettres d’or… Une pluie de météores se serait vraissemblablement abattue sur la région et aurait infecté une partie de la population de pouvoirs cosmiques…

Prise sous l’aile du vénérable label Misra Records (Centro-Matic, Flotation Toy Warning, St. Thomas) alors que la formation n’existe que depuis un an, Evangelicals se situe dans l’échiquier musical quelque part entre les Flaming Lips et Minus Story. Ces évangélistes entretiennent avec leurs ainés ce sens du jeu expérimental et de l’affranchissement des structures mélodiques consensuelles, interprété avec une énergie débordante. Il s’y trame aussi une ambition décomplexée que l’on a déjà entendue chez le collectif du label Jajaguwar. Bien appuyé sur des fondations instrumentales rock, le groupe n’hésite pas à franchir les frontières de l’abstrait, quitter leur enveloppe charnelle pour s’envoler vers des étoiles illuminées.
Notre trio iconoclaste se paye quelques étranges délires néo-psyché tel ce “Into The Woods”, une pièce electronica isolée au milieu de ce dévergondage en règle.

Même sur des constructions pop plus vigoureuses, on sent que leurs envolées douces peuvent rompre à tout moment, maltraitées par des accélérations et cassures de tempos imprévisibles, ou partir dans un solo électrique interminable sur “What An Actress”. L’étrange introduction instrumentale « A Mouthful Of Skeletons » met d’ailleurs l’auditeur au parfum : une mélodie distordue tente de capter une fréquence harmonique sauvage. Ce sera visiblement le cas durant tout le disque.

Le falsetto caressant de Josh Jones – quelque part entre le chanteur de Nada Surf et celui de Belle & Sebastian – est suffisament charmeur pour rétablir l’équilibre harmonieux (l’esprit easy-listening des choeurs sur “Diving” sont d’une pureté remarquable). Par moment, leur lyrisme d’opérette évoque les enchanteurs Danielson Famile, sans non plus atteindre – pour le moment – le même niveau d’excellence. Ce point est à mettre sur le compte de leur manque d’expérience. Il faudra attendre que le fruit soit rouge pour le cueillir, ce qui est, on l’avoue, une peu paradoxal pour un groupe qui revendique sa fraîcheur spontanée.

– Le site des Evangelicals sur le site de Misra