Poni Hoax fait partie de ces nouveaux groupes français sur lesquels on aurait envie de miser pas mal d’argent. Repérés avec le single « Budapest », qui a dû faire trémousser plus d’un nightclubber à travers le monde, les français ont ensuite joué un sale tour aux disquaires qui leur avaient déjà fait une place dans leurs rayons electro, en balançant un premier album diablement efficace, mélange hybride d’électronique, de new wave et de noisy-rock anglais de la grande époque. Jamais une composante ne prend l’ascendant sur l’autre. Il y a juste cette envie furieuse de proposer une musique fiévreuse et dansante.


Nous avons rencontré Laurent Bardainne, tête pensante du groupe, et Nicolas Ker, le chanteur, juste avant leur set injustement ignoré au dernier festival de Dour. L’occasion pour nous de faire la connaissance avec ce groupe sachant rire et balancer quelques digressions parfois déconcertantes.

Pinkushion: En préparant cette interview, j’ai effectué quelques recherches sur Internet et j’ai étonnamment trouvé très peu d’information sur le groupe. Alors, ma première question est: qui est cette bande de « gens errant sans but comme des zombies en transe, habillés dans les vêtements de leurs mamans » (ndlr: description du groupe sur leur page MySpace) ?

Laurent Bardainne: (Rires) Je te répondrais: Une bande de dégénérés dépressifs qui cherchent leur salut dans la débauche et la luxure.

Dans la débauche et la luxure… Il y a vraiment des zombies dans le groupe ?

Laurent: Non, pas encore.
Nicolas Ker: Par contre, il y a des travestis honteux.

Poni Hoax est vraiment un groupe ou c’est plus le travail d’un producteur ?

Laurent: C’est vraiment un groupe à part entière.
Nicolas: Laurent vient du free-jazz. Moi, je viens du rock pur. J’adore Vince Taylor, les Velvet ou les Stooges.
Laurent: Vincent Taeger, le batteur, vient du Hip-Hop. Arnaud Roulin, le bassiste, était soliste dans un cor de chasse quand il avait neuf ans. Il était surdoué. Nicolas Villebrun, le guitariste, vient du noise extrémiste.
Nicolas: Pas de la noisy pop, du terrorisme sonore.

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Et vous êtes parvenus à vous mettre tous autour d’une table?

Nicolas : En fait, on part des compositions de Laurent qu’il a composées avec le logiciel Reason. C’est mega cheap. Quand j’entends cela, je me dis « c’est quoi cette putain de pub pour Veronique et Davina » et j’hallucine. Après, je trouve plus ou moins une thématique au niveau du texte et ensuite on arrange tout en groupe.
Laurent: Je suis parti sur un truc sur lequel on pouvait taper du pied, un truc qui pulse. Moi, les claques que je me suis prises, c’est en écoutant des gros mixes de DJ’s avec un bon gros son. On danse et on adore faire les cons et on s’est retrouvé autour de ça.
Nicolas: Enfin, moi, je ne sais pas danser.

Je pose cette question, car vous vous êtes fait connaître avec le single « Budapest » qui vous a directement associé au monde de la musique électronique où il est plus fréquent de trouver des projets menés par des producteurs, despotes éclairés.

Nicolas : En fait, c’est marrant parce que comme on vient de le dire, personne ne vient de la musique électronique. Personne n’en a fait avant. Le seul mec qui vient de l’électronique est Joakim (ndlr: fondateur de Tigersushi sur lequel est signé Poni Hoax) qui a mixé notre album.
Laurent: Cependant, j’avoue, sans prétention aucune, que je suis nettement supérieur à tous les autres.
Nicolas: Enculé…
Laurent: Non… C’est Nicolas & moi qui tirons un peu les ficelles.
Nicolas: Voilà! Le reste du groupe fait un peu office de marionnette (Rires)

Quel a été l’apport de Joakim au niveau de la production?

Laurent: Cela a été juste une vraie collaboration, c’est-à-dire une vraie écoute ensemble.
Nicolas : Son apport ne s’est pas porté tellement au niveau du côté électronique des morceaux. Ce côté, c’est vraiment la touche de Laurent. Joakim ne casse pas tout pour le rendre électro. De toute façon, tout est joué, il n’y a pas de samples. Lui a juste mixé.

Au fait, cela ne vous a pas un peu inquiété de voir que vous étiez catalogués ainsi sachant que la suite allait s’éloigner de ce style?

Nicolas: On sera toujours étiqueté quelque chose. Qu’on soit étiqueté « zouk », « miami bass », « dance hall », ce ne sont pas des choses qui nous travaillent.
Laurent: Non, on n’a pas de problème d’étiquette. « Budapest » nous a plu et est sorti comme cela. Il n’y avait pas de feuille de route. Cela dit, on n’avait pas encore rencontré Nicolas à ce moment de l’enregistrement.
Nicolas: C’est pour cela que c’est une fille qui chante.

D’ailleurs, qui est cette Olga Kouklaki?

Laurent: C’est une chanteuse grecque qui a beaucoup de talent. C’est Marc Collin de Nouvelle Vague qui nous l’a prêté une après-midi ou deux. Elle joue du clavier avec Nouvelle Vague.

Le dernier morceau, « Le Fil Du Temps », est également chanté par une fille et est une sorte de ballade qui fait un peu OVNI par rapport au reste de l’album?

Laurent : Ouais, c’est un truc que je voulais. Il y a certains albums diversifiés qui arrivent quand même à surprendre en plaçant soudainement un morceau qui n’a rien à voir. Après on aime ou on n’aime pas, mais moi j’aime bien. A l’origine, les arrangements du morceau devaient être plus rock, mais on n’est pas arrivé à bien le faire. Et puis, j’aime bien l’idée de la meuf de 22 ans, qui, si elle est toute seule chez elle, peut se mettre ce morceau-là qui est un peu triste.

C’est super bien étudié…

Laurent: Tout est formaté. Non, je ne vais pas mentir. Tout a été fait à l’arraché. C’était chaotique. C’est notre premier album. On a fait comme on a pu. Vite, après moins vite ou en attendant beaucoup, parfois. Donc, on a posé les jalons comme cela. C’était à prendre ou à laisser.
Nicolas (qui se rase et qui se prend en photo avec son GSM): Ça, c’est vraiment une excroissance de la vie. Je suis obligé de me prendre en photo avec mon portable pour voir si je suis rasé… Vraiment le truc trop surréaliste. (Rires)

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Dans la lignée du « tout formaté », la pochette est particulièrement vendeuse. Certaines critiques résument l’album de Poni Hoax comme « c’est celui avec la meuf à poil dessus ». D’ailleurs, cela marche: c’est le premier CD que j’ai écouté de la pile de CD’s que j’ai reçue.

Nicolas: C’est fait pour. (Rires)
Laurent: Ce n’est pas pensé comme cela en plus. C’est une photographe qui a beaucoup de talent et qui s’appelle Camille Vivier. Elle nous a proposé cela. Cela a un côté un peu décalé. Cela pourrait être un truc à moitié gothique, mais cela ne l’est pas. Les couleurs ne le sont pas assez. C’est assez raffiné et c’est une belle photo de femme.
Nicolas: Mais on ne la connaît pas en fait.
Laurent: Mais moi je la connais.
Nicolas: Oui?
Laurent: Ah oui, bien sûr.

Pour en revenir à Tigersushi, label au joli site internet, quelle est sa philosophie ?

Laurent: Pour te dire la vérité, un peu comme tous les labels actuellement, on essaie de sortir la tête de l’eau…. Donc, la philosophie est à l’arrache. Tout est à l’arrache tout le temps. Voilà…

Cette année, j’ai chroniqué le CD d’un autre groupe français qui s’appelle OMR qui, s’il n’est pas réellement dans la lignée de Poni Hoax, allie également ce « savoir-faire » électronique français et des influences plus rock anglo-saxon.

Nicolas : Le précédent journaliste m’en a également parlé. Il a dit qu’on ressemblait à OMR.

L’année passée, il y a eu également M83 qui produit une musique qui va également dans ce sens-là… Bref, assisterions-nous à la naissance d’une sorte de – toute proportion gardée – nouveau courant en France?

Laurent : Exactement. Je suis complètement d’accord et puis même, il y a plein de trucs qui ne sont pas connus et qui vont sortir bientôt. Il y a une vraie énergie en ce moment.

Qu’est-ce qui fait qu’il y a cette énergie soudainement?

Laurent : Alors ça… Je ne vois aucune raison. Peut-être le retour, depuis quelques années, d’un certain live rock où les gens ont voulu entendre des groupes électrifiés sur scène. Pas mal de musiciens ont eu envie au même moment d’être un peu plus décadents, de prendre plus leur pied sur scène, de s’amuser, d’être un peu glam, de se dire «moi aussi la disco… J’avoue que j’aime!» Il y a eu plein de coming out. «J’aime Patrick Juvet». Des gens pleuraient autour de tables en se tenant la main en se disant «Moi aussi, j’aime les Bee Gees et Claude François». Le fait de se dire tous en se tenant la main «“Alexandrie, Alexandra”, c’est un bon morceau», cela a aidé pas mal de gens à sortir du gouffre… (Rires)
Nicolas: Ouais, moi, j’aime bien Patrick Juvet. C’est le symbole de la décadence absolue.

Plus sérieusement, médiatiquement, y a-t-il un truc qui a changé? Est-ce qu’on s’intéresse plus à ce genre de groupes ?

Laurent: En France, il y a des histoires de quotas. Il y a eu une loi de Jacques Toubon qui imposait qu’il y ait un quota d’un certain pourcentage de musique française. Donc, maintenant, certains médias essayent de faire passer dans ce quota les groupes français qui ne chantent pas en français. Même si c’est l’electro ou que le texte ne repose que sur des « Around The World » (ndlr : il singe ce refrain bien connu). Sinon, on se retrouverait avec Benabar toute la journée.

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Une des forces de Poni Hoax est la voix racée de Nicolas qui n’a rien à envier à certains bons timbres du rock anglo-saxon. C’est naturel ou c’est le fruit d’un travail acharné?

Nicolas: C’est naturel. Cela fait 15 ans que j’ai arrêté mes études pour faire de la musique. Donc, j’ai tout le temps chanté. Il y a un moment quand même durant l’enregistrement de l’album où Joakim et Laurent m’ont bien coaché. Cela m’a fait vraiment progresser. Sinon, au niveau utilisation de la voix, mes chanteurs préférés sont Scott Walker et Franck Sinatra. Et encore, Scott Walker fait n’importe quoi avec sa voix, il est plus dans la compo. Franck Sinatra fait des loopings avec sa voix. C’est impressionnant. Moi, je suis une merde à côté. Bowie fait également des trucs hallucinants avec sa voix.

Si la musique de Poni Hoax sonne sérieuse, le groupe cultive une image plus décalée, plus ironique.

Nicolas : Non, il n’y a pas d’ironie. On n’est pas dans l’ironie. On est vraiment dans le premier degré. Par exemple, j’ai beaucoup lu de livres et si je ne pense pas que cela m’ait forcément servi, j’ai deux côtés. D’un côté, je raconte que des conneries toute la journée. Je ne vais pas parler des sophistes et de Socrate pendant trois heures. De l’autre côté, quand j’écris des chansons, je suis assez sérieux et j’essaie de donner un côté littéraire. Les deux côtés sont pour moi importants. Il n’y a pas de dérision.
Laurent : C’est le côté doux-amer. Ce n’est pas sérieux que de faire pleurer les gens.
Nicolas: La vie est assez chaotique. C’est autant de la comédie que de la tragédie. Quand tu fais les deux, tu fais les deux à fond. Je ne pense pas qu’il y a vraiment de dérision. Par contre, je n’aime pas le cynisme. Il a beaucoup de gens qui sont dans le cynisme, du « tout se vaut » ou « plus rien n’a de valeur ». Je trouve cela dommage.
Laurent: C’est quoi ce film du comique sec qui faisait des trucs complètement absurdes et grotesques?
Nicolas (après quelques essais-erreurs): Oui… Andy Kaufman (ndlr: Le film est Man On The Moon de Milos Forman avec Jim Carrey dans le rôle d’Andy Kaufman). Oui, mais Andy Kaufman, c’est différent. C’est comme Philip K. Dick. Il n’arrive plus à savoir quelles sont les deux vraies réalités. Il se perd vraiment. Je trouve cela super fascinant…
Laurent: Enfin, cela ne sert à rien de se prendre au sérieux. On est assez vieux pour se rendre compte qu’on n’est pas des rockstars.
Nicolas: On pourrait être des rockstars si l’album marche, mais cela dit, prendre au sérieux ce statut, c’est une autre question. Il faut arrêter de délirer un peu. Ce n’est pas parce qu’on sait jouer de la guitare et chanter qu’on est au-dessus du commun des mortels. Enfin, nous, on n’arrivera jamais à ce stade. A ce sujet, la chanson « Involutive Star » parle de Mariah Carey. Elle est complètement paumée cette fille… Ce n’est vraiment pas enviable comme statut.
Laurent : La plupart d’entre nous a été amenée à bosser avec des gens qui ont une certaine célébrité. Cela nous a permis d’avoir une certaine distance. De toute façon, le but n’est pas là. Le but est de faire de la bonne musique et de se marrer.
Nicolas: C’est déjà beaucoup, mais il n’y a aucune volonté de plus-value sociale.

– Le site de Poni Hoax
– Le site de Tigersushi
– Lire notre compte-rendu sur le festival de Dour