La musique est un élixir de jeunesse. Il suffit de voir sur scène le vieux Sonny Rollins, boitillant et chevrotant, retrouver une verve et une puissance musicale inouïes sitôt qu’il se met à souffler dans son saxophone ténor, pour s’en convaincre. A 76 ans, le célèbre hard-bopper aux lunettes noires n’a plus grand-chose à prouver. Le voilà même qui sort un Sonny, Please autoproduit, uniquement disponible pour le moment sur son site (le disque devrait être distribué en novembre), comme pour signifier son envie d’en découdre avec les obligations mercantiles de l’establishment. Une entreprise de fuite qui montre surtout que seul lui importe aujourd’hui de remettre au premier plan le jazz, son jazz, volubile et charmeur, emprunt de rythmes caribéens et de sonorités afro-américaines, un jazz vécu de l’intérieur qui transpire de chaque note, intensément, comme une priorité vitale. Le répertoire de ce nouvel album studio est assez similaire à celui proposé récemment dans les festivals hexagonaux, mélange de compositions personnelles et de standards, qu’il joue d’ailleurs en compagnie du même quintet que celui qui l’accompagnait sur les scènes estivales. D’honnêtes musiciens, quelque peu intimidés par le Colosse, qui se contentent de rendre la pareille au maître sans faire de vague. Mais peu importe, l’essentiel de Sonny, Please demeure dans ce son chaud et rauque, cette déferlante de notes qui ne semble jamais finir, cette circulation de désirs jamais rassasiés et cette débauche de mélodies généreuses dont se parent pour l’éternité les plus grands musiciens.

– Le site de Sonny Rollins.