Avouons-le, c’est avec une certaine appréhension que l’on a découvert ce nouvel album du trompettiste Tomasz Stanko, enregistré pour la troisième fois en compagnie de son trio de jeunes musiciens polonais, tant le dernier Suspended Night (2004) nous semblait être le point culminant d’une écriture mélancolique magnifiée, mais dont le perfectionnisme sonore concentré jouait en définitive presque contre lui. Une écoute furtive de Lontano ne fera d’ailleurs que confirmer ce sentiment : les climats élaborés par le quartet dégagent une impression de langueur méditative et distillent une beauté indéniable mais quelque peu austère. Pourtant, la réalité est toute autre. Pour peu que l’on prenne le temps de l’écouter, Lontano apparaît moins comme une redite des deux albums précédents qu’il n’en est la quintessence expressive et libérée. Les trois versions où est décliné le thème éponyme de l’album, longues improvisations collectives qui mettent en évidence une interaction peu commune entre les musiciens, témoignent d’une orientation plus contrastée et aventureuse, enfin totalement débarrassée des afféteries de style. Outre le jeu délié et aérien de Stanko, parfois proche du chant, et plus structurel que directif, l’apport du pianiste – qui monte – Marcin Wasilewski s’avère déterminant. Notamment sur “Kattoma”, une reprise d’un thème de Krzysztof Komeda (qui composa des BO mémorables pour Roman Polanski et pour lequel Stanko a joué dans les années 60), qu’il recouvre d’effets dramatiques et contribue subtilement à déboussoler (nous avec). Un des plus beaux disques de Tomasz Stanko enregistrés ces dix dernières années.

– Le site de ECM.