Un jeune songwriter américain au parcours atypique cultive du fin fond de Denton des folk songs ambitieuses aux racines solides. Une belle découverte.


On ne se rappelle plus trop ce qu’on a pu lire au sujet d’Either/Or de feu Elliott Smith, mais les références lancées par les magazines rock devaient tenir en quelques classiques. Il est aisé d’y reconnaitre un songwriting fermenté en écoutant les vinyles crépitant de Revolver, du White Album, Surf’s Up ou encore le folk lunaire de Pink Moon… En revanche, on s’accorde bien sur une chose : Elliott Smith transcendait ses influences évidentes pour servir une pop revigorante aux contours de guitare quasi parfaits. Parti trop tôt dans des circonstances tragiques, on lui attribue désormais une certaine paternité musicale qui a ouvert la voie à d’autres épicuriens comme David Pajo, Howie Beck, The Shins (dans la catégorie “New Slang”), récemment Luke Temple… et maintenant « el magnifico » Robert Gomez.

A l’instar des prodigieux Voxtrot – dont on suivra de très près le premier album prévu pour mars – Robert Gomez a grandi sous le soleil brûlant du Texas, terroir où les mélodies semblent pousser en excroissance. Les airs mélodieux qui se consument vont comme un gant à son teint mat. Ses mèches de cheveux bouclées noires trahissent quant à elles du sang latino qui coule dans ses veines. Repéré par le label Bella Union (Lift to Experience, Midlake…), ce garçon bien élevé traîne déjà une sacré expérience avec outre son premier album sorti en 2001, une tournée avec le cirque Barnum (?) et une autre autour du globe pour le musicien Omar Faruk Tekbilek. Pour compléter ce tableau déjà bien exotique, il fut aussi le disciple du virtuose de la six-cordes cubaine Nelson Gonzales. Contre toute attente, le parfum de ses disques solos échappe aux saveurs de la Havane et autres influences de la musique ethnique, mais s’oriente plutôt vers la catégorie pop la plus distinguée, celle de la « perfect pop song ». Les cordes orientales somptueuses de “The Leaving” sont peut-être le seul témoignage de son passé intrigant.

De ces tournées en tant qu’accompagnateur « mondain », Robert Gomez en a certainement tiré une fascination pour les progressions d’accords plus fouillées que la moyenne. Après un faux départ avec “Closer Still”, une composition trop binaire qui ne met pas vraiment en évidence la richesse du disque, le précieux et baroque “All We Got” nous remet sur le droit chemin. Son souffle timide le rapproche immanquablement d’Elliott Smith (“Into The Sun”, ou encore le très troublant “Brand New Towns”). Mais la comparaison ne s’arrête pas là : le disque est d’un pointillisme tel dans les harmonies et les arrangements (une luxueuse section de cordes) qu’un parallèle avec le surléché XO nous effleure l’esprit régulièrement. Rajoutez là-dessus une certaine audace pour les textures progressives à la Radiohead version OK Computer et vous aurez une idée de l’environnement classieux dans lequel on évolue.

Evidemment, ce serait trop beau, l’addition d’XO / OK Computer dans nos rêves les plus fous procurerait le disque de pop ultime. Tout seul, le multi instrumentiste ne parvient pas à surpasser ces deux monstres sacrés. Mais ne faisons pas la fine bouche, le niveau est déjà assez élevé pour passer un agréable moment. Brand New Towns recèle assez de chansons crève-coeur pour miser solidement sur le gaillard dans un avenir proche.

-Le site de Robert Gomez

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