En porte-à-faux du formalisme pop en rigueur, un musicien-orfèvre nous livre un disque tentaculaire, qui respire l’odeur des vieux vinyles 60’s acidulés. Complexe et cachant des trésors de mélodies.


Avant même de sortir son premier album solo, Mike Andrews jouit d’une réputation qui impose le respect. Compositeur de musique de film issu du cinéma américain déviant, le maestro s’est imposé notamment avec le score du culte Donnie Darko, histoire hallucinée d’un gamin de banlieue dans les années 80 rêvant de lapin monstrueux et de Jugement dernier. Le film avait marqué les esprits via quelques scènes habillées au son nostalgique d’Echo & The Bunnymen (“Killing Moon”, ah !), “The Church” (“Under The Milky Way”, oh !) et Tears for Fears (« Mad World » réadapté par Mr. Andrews himself, hé !). Mais le C.V d’Andrews ne s’arrête pas là. Démasqué sous le pseudo du guitariste Elgin Park au sein de la formation acid jazz Greyboy All Stars, ce musicien complet et décidément par monts et par vaux, a également ses entrées dans le circuit rock indépendant où il loue ses services de producteur aux très fréquentables Inara George (une proche dont il a aussi co-signé quelques chansons sur son premier album), Brendan Benson ou encore Metric.

Pour son premier album solo, le californien originaire de San Diego a choisi son identité à l’état civil, probablement par souci d’authenticité. Mike Andrews affiche sur Hand on String,complètement écrit, joué et composé par ses soins, un goût affirmé pour la pop/folk baroque sophistiquée, qui n’est pas sans rappeler son homologue contemporain Jon Brion (Fiona Apple, Rufus Wainwright), en sus le professionnalisme du musicien de jazz. Car Hand on String est une excentricité virtuose, très connotée 60’s, dans la veine cosmique d’un Duncan Browne, Van Dyke Parks ou encore David Ackless… Le genre de disque de chevet obscur convoité par les oreilles avides d’imposantes pièces montées.

Ambitieux, expérimental tout en usant de teintes harmoniques pastels voluptueuses, cette pop affranchie impressionne franchement par sa maîtrise éclatante. Lorsque l’écriture se veut concise, elle se mesure aux cadors du genre, tel “Just a Thought”, tout droit échappé de Ram. Sans amarres, Hand on String vogue vers des horizons latins (Andrews cite parmi ses héros Milton Nascimento, monument de la musique brésilienne) autant que vers les immersions jazz, parfaitement abouties (les progressions modales de “Orange Meet Lemon”). Les jeux de piste incessants n’ont d’équivalents que la richesse de l’instrumentation, sur fond de Mellotron intemporel et cordes discrètes. La voix quant à elle évoque tantôt Elliott Smith, tantôt la patine usée de Kurt Wagner (le très Lambchop “Tracings »), mais au tempérament nettement plus ensoleillé. Signalons enfin la présence de la douce Inara George qui co-signe un titre, « Love is Tired”, et chante sur deux, “Hand On String” et “Hello Lemon”.

Perfectionniste, Mike Andrews l’est assurément et c’est peut-être le seul reproche que l’on pourrait attribuer à ce disque panoramique, qui s’adresse d’abord aux initiés de la pop avec un grand « P ». Pour l’heure, ce bourreau de travail s’est déjà attelé à son second album solo, rejoint les rangs de Greyboy All Stars, et produit le prochain Inara George aux côtés de l’arrangeur légendaire Van Dyke Parks. On imagine pour Andrews le degré d’excitation d’une telle collaboration avec ce dernier, car au vu de ce pantagruélique effort solo, le disciple doué doit lui vouer une adoration sans borne.

PS : Le disque est aussi disponible accompagné d’un livre avec les dessins qui ornent le booklet.

– Le site de Mike Andrews