C’est hyper sucré, ça dégouline partout, on retrouve les mêmes parfums été après été, seul le cornet change de design. Mais que celui qui déteste les glaces qui fondent sur les doigts plus que dans la bouche me jette la première pierre.


Le sous-titre de Tiny Telephone pourrait être « crème solaire obligatoire ». Le disque se déroule, on ferme les yeux et on s’imagine sans problème au volant d’une bonne grosse Cad’, le bras gauche ballant, traçant sa route tout en caressant du regard le Pacifique, aveuglé par le plus beau coucher de soleil auquel il nous ait été donné d’assister. Et devant nous, comme par miracle, un générique d’ouverture apparaît, annonçant un casting de rêve pour jeune fille romantique : «co-starring Antonio Banderas/Melanie Griffith». C’est merveilleux, ce que provoque ce disque, on est entré dans un film à l’eau de rose, un film d’été. Woody Allen en a rêvé, The Sunday Drivers l’a fait ! Sauf qu’ici, on ne court pas après La Rose Pourpre Du Caire, ici on serait plutôt en quête d’un distributeur de Canada Dry.

La sunshine pop de The Sunday Drivers devrait connaître un succès éclatant sur les ondes qui trustent les college radios. Guitares plagistes, voix délicieusement rocailleuse, mélodies primesautières et immédiatement retenues, paroles légères, orgue sensuel, batterie claire. La recette même d’un carton. Petit détail qui cloche dans cette chronique d’un succès annoncé, le sextet à l’origine de cette musique solaire n’a rien d’américain puisque il est espagnol ! De Tolède. Certes, les Espagnols s’y connaissent plutôt en terme de soleil. Mais ici, l’hommage aux Byrds ou aux Beach Boys est sidérant. Ils ne lésinent ni sur les harmonies vocales ni sur les hand-claps. A croire que la cible de ce disque est l’adolescent amoureux de toutes les filles de la plage, et jouant de son charme en s’armant de sa guitare, la nuit, près d’un feu allumé par quelques campeurs sans le sou, au bord d’un océan endormi. Le cliché même de la musique superficielle, mais jolie.

Oui mais voilà. Jero Romero, l’auteur/leader/chanteur de The Sunday Drivers a plutôt un sacré talent. Car du romantisme chiqué et cool à la mièvrerie, il n’y a qu’un grain de sable que notre ami évite sans coup férir. Le producteur de Tiny Telephone, Brad Jones, ne doit pas être totalement innocent dans cette façon de toiser fièrement la surenchère mielleuse, habitué qu’il est de travailler avec l’une des plus fines plumes de la sunshine pop américaine, l’indispensable Josh Rouse – qui vit aujourd’hui… en Espagne !

Dès le titre d’ouverture, « Rainbows Of Colours », la messe est dite. Des paroles à vous faire plonger la tête la première dans la première baïne venue, des arrangements chatouilleurs, et vous voilà une fois de plus prisonnier de cette musique mille fois entendue. Et le final, par le truchement de guitares qui s’emballent, fait jaillir de derrière cet énorme beignet-abricot une vague de 10 mètres de haut, au moins. Un peu plus loin, « Do It », single en puissance, avec sa rythmique de course de maître-nageur-sauveteur volant au secours d’un freesbee perdu, vous donne des ailes et vous n’hésitez plus à embrasser à pleine bouche cette jolie touriste perdue dans votre bus matinal – l’inverse marche aussi si vous êtes une fille. Il y a même l’hymne tantrique de tout touriste cool vivant la nuit et dormant le jour au bord de l’eau : « Sing When You’re Happy », avec ses paroles de catéchisme estival, vous colle un sourire béat dont vous ne vous départirez pas avant un moment.

Alors de coups de soleil en lanières de chaises de cafés qui vous scient le dos, de banana splits en bières citronnées, tous les poncifs d’un été à Saint-Jean-De-Luz réussi sont réunis dans Tiny Telephone. Mais tout ceci est tellement communicatif, spontané et sincère que vous n’en voulez pas une seconde à The Sunday Drivers de vous mettre des claques, chanson après chanson, précisément à l’endroit le plus rouge de votre cuisse, conséquence d’une sieste en plein cagnard. Vous reprendrez bien un panaché ?

– Le site de Naïve