Et si l’avenir du post-punk, si tant est qu’il y en ait un, s’appelait Nelson et que ce groupe était français ? Par-delà les lieux communs et les clichés inhérents au genre, Revolving Doors, leur premier album, surprend par son impressionnante maîtrise et sa remarquable cohérence.


Bon, que dire ? Les mots se dérobent tout d’abord pour évoquer la banalité et l’ennui que provoque en nous une telle musique : attaques de guitares acérées, la batterie pilonne, les paroles sont gorgées de fureur et de frustration, vieille recette post-punk de noirceur adolescente, vieille rengaine qu’on ne s’étonne pas de réentendre surgir dans le sillage des succès colossaux d’Interpol ou de Bloc Party.

Mais à mesure que l’on découvre l’album, on se rend compte que la musique de Nelson est bien plus subtile que cela. Souvenons-nous par exemple de Antics, le dernier album d’Interpol, un énorme pensum qui ne menait nulle part finalement, en dépit de l’efficacité vaguement ennuyeuse de certaines chansons. Nelson et Interpol, si vous voulez, c’est un peu David et Goliath : la subtilité et la grandeur pesante et empesée. On connaît le refrain, certes, ce n’est pas nouveau, c’est un air qui vient des premiers albums de Can (toutes proportions gardées, attention) et des groupes new wave (ou post-punk si vous préférez) méconnus qui ont sévi au tournant des années 80. On citera The Sound, The Chameleons, Josef K ou The Comsat Angels et on ne saura que trop vous conseiller d’écouter tout ça. Tous ces groupes qui ont été pillés sans vergogne par Franz Ferdinand et consorts. Mais bref, inutile de tourner un regard embué vers le passé : l’avenir n’est déjà plus entre leurs mains malheureusement, l’avenir est entre les mains de Nelson. Or, cet album, et toutes les promesses qu’il contient en germe, mérite vraiment qu’on s’y intéresse. En attendant que n’éclosent peut-être de plus belles fleurs…

Enfin un bon groupe de rock français depuis le temps qu’on attendait cela ! Alors que les Naast et les Plasticines se succèdent sur la couverture de Rock’n Folk et qu’une étrange vague rock’n’roll s’abat sur la capitale (l’épithète le plus juste serait yé yé, mais je n’ai rien entendu qui vaille Jacqueline Taïeb jusqu’à présent, mais ce n’est pas notre sujet), Nelson naît tranquillement à la musique, avec un rare brio et une intelligence bienvenue, quand bien même rien ne nous paraît très neuf dans cet album.

On a l’impression, au début, d’entendre un groupe copuler sur les cadavres abandonnés et oubliés de quelques groupes, auxquels, finalement, on n’a jamais rendu justice. Puis on se dit qu’on ne peut pas leur rendre un meilleur hommage que de se réapproprier ainsi le flambeau, avec talent et humilité. Il y a de tout sur cet album : des tubes faciles “The(Over) Song” qui viennent se loger directement dans un coin de notre esprit ; ensuite, d’autres morceaux plus envoûtants, moins évidents, révèlent peu à peu leur charme discret et atrabilaire, parfois brumeux (c’est l’influence Chameleons) comme sur le très beau “Seasons”. Quant à “The Darkest Parts Of Your True Confessions”, ce pourrait être un très bon morceau d’I Love You But I’ve Chosen Darkness. En fin de compte, on a vu pires références.

Bien sûr, on retrouve ici l’atmosphère de paranoïa un peu simplette qui fait le sel de tout disque post-punk. Mais qu’importe, après tout ! Revolving Doors apparaît comme un premier essai réussi et surtout prometteur d’un jeune groupe dont on est en droit d’attendre beaucoup pour l’avenir. Et, paraît-il, les concerts sont très bons. On a aucun mal à imaginer, en effet, la froide incandescence et la puissance réfrénée de la musique de Nelson sur scène.

L’impression finale est partagée, d’un côté l’indubitable volonté défricheuse à laquelle on ne peut s’empêcher d’applaudir et de l’autre un certain conformisme d’élèves doués mais un peu trop appliqués. Mais un remarquable travail sur le son (les quatre musiciens se sont rencontrés dans une école d’ingénieur du son), clinique et profond, à la manière de Martin Hannett, et un talent indiscutable laissent augurer de lendemains radieux.

– La page Myspace de Nelson