Un guitariste défricheur façonne sur ce premier essai de douces brisures harmoniques, libres de mouvements, à la croisée du jazz et du post-rock. Cette musique semble ne pas avoir encore été écrite…


La nébuleuse scène rock de Chicago réserve décidément encore bien des mystères. Nous n’avions pas fini d’ingurgiter le nouvel album des essentiels The Sea and Cake que nous tombe cette comète en provenance de la capitale de l’Illinois : Plainsongs, hypnotique premier album de W.W. Lowman.

Plainsongs, Lowman… déjà le contraste entre ces deux mots met nos sens en éveil. Jusqu’ici, William Lowman était un guitariste qui se terrait dans l’ombre. Son don de paysagiste sonore était au service d’autres artistes. Débarqué voilà presque 10 ans à Chicago, sa technique singulière et sa versatilité à la six-cordes attire rapidement quelques acteurs influents de la scène indépendante de Chicago : Jim O’Rourke, Smog, Will Oldham, L’Altra… pour ne citer que les plus familiers. C’était donc joué d’avance : à force de côtoyer assidûment des esprits créatifs géniaux, un jour W. W. Lowman volerait de ses propres ailes vers des cieux en solitaire. C’est à la pugnacité du militant label Arbouse recordings que l’on doit la primeur de ce mini-album qui ne sortira aux Etats-Unis qu’en juin.

Enregistrées en catimini, les sept déambulations musicales assemblées sur Plain Songs ont pris le temps de murir durant trois longues années. L’ossature des morceaux est tirée de fragments d’idées empruntées à Frank Navin d’Aluminum Group (co-signataire de l’album). A partir de cette matière vierge, Lowman a sculpté le son jusque dans ses derniers retranchements, aidé dans sa tâche par de nombreux compagnons de route, dont sa compagne Lindsay Anderson de L’Altra (les chœurs sucrés en « Pa Pa Pa », c’est elle), Mark Greenberg (fidèle lieutenant d’Archer Prewitt) et le violoncelliste jazz Fred Lonberg-Holm… Les trois premiers titres, chantés, sont évidemment les plus identifiables, tel “Tea til Ten fine” dégustation harmonieuse présentée sur un service de porcelaine, nous installe confortablement dans une sorte de méditation. Puis, on largue progressivement les amarres vers des thèmes instrumentaux abstraits, cubiques à vrai dire : Lowman se joue des formes avec virtuosité, retravaille la matière, trouve des angles inédits. On pense à Gastr Del Sol pour ce mutisme mutant, Mark Hollis pour ce silence déboussolé, ou encore Smog rejoint par Tortoise en side-band de luxe pour le format chanson (“Please don’t Think it’s Funny”).

Sous cette apparente dissonance léthargique, chaque composition foisonne de détails microscopiques. On se prête amusé au jeu des énigmes : chaque morceau devient un jardin protubérant où l’on chercherait quelles graines ont été plantées pour donner telle curieuse plante hybride. En guise d’éléments révélateurs, ce serait un banjo et un violon cherchant une sortie dans un labyrinthique « Lee and me », un tandem trombone/trompette qui déambule dans le bleu façon le grand Miles, des entrelacs d’arpèges modernistes, une boite japonaise à musique, quelques notes de pluie synthétiques… Tel un gourmet à la recherche de nouvelles sensations pour émoustiller son palais, on devient vite dépendant à cette oasis de sensations. Terriblement goûteux, Plain Songs est un régal pour fins gourmets.

– Le site de W. W. Lowman

– Le site du label Arbouse Recordings

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