Aussi loin que l’on tombe, seul compte l’atterrissage. Ici, on assisterait plutôt à un crash pathétique qui emporte quelques gloires indie pourtant habituées à la haute voltige.


Sur le papier, It’s Not How Far You Fall, It’s The Way You Land a tout pour séduire. En effet, sur ce deuxième album, le duo londonien a réuni un casting réjouissant en invitant Josh Haden, Will Oldham, Jimi Goodwin de Doves, le tout sous la direction d’un maître de cérémonie toujours aussi sollicité, le ténébreux Mark Lanegan. Le concept est limpide, allier une ambient ombrageuse typiquement britannique à la culture mystique américaine jusqu’ici incarnée par Johnny Cash. Et, effectivement, la superbe voix goudronneuse de Lanegan n’est pas sans évoquer L’Homme En Noir. Le problème, c’est que la musique des Soulsavers n’est pas sans évoquer le Archive d’aujourd’hui ou les ballades du Moby d’avant-hier.

Débutant dans une cathédrale désaffectée, les nappes brumeuses distillées par Rich Machin et Ian Glover, appuyées par des choeurs gospel larmoyants, saisissent l’ancien leader des Screaming Trees suppliant le Seigneur de bien vouloir l’accueillir au Purgatoire sur « Revival ». Immédiatement après, « Ghosts Of You And Me » reprend ce thème et pousse à son tour Mark Lanegan à implorer la miséricorde de Qui Vous Savez, mais cette fois la colère pointe. Ces deux titres préparent l’auditeur à une aventure religieuse que Dan Brown ne renierait pas (c’est dire le niveau), et la suite confirme assez rapidement le naufrage dans une lente succession de bondieuseries plus ou moins chargées, plus ou moins arrangées, et surtout plutôt moins que plus intéressantes que la moyenne. On se prend à espérer que la divine voix de Josh Haden, revisitant ici « Spiritual » de feu Spain, élève le débat. Peine perdue, c’est l’ennui profond qui nous envahit pour ne plus nous quitter tout au long du disque. On en voudra même éternellement à Will Oldham d’avoir accepté de participer au massacre en règle de « Through My Sails » de Neil Young en lui enlevant, toujours avec la complicité de Lanegan, le plus petit soupçon d’âme.

Etrange impression que d’entendre un disque à l’ambition démesurée, franchement bien produit, qui n’arrive pas une seule seconde à capter notre intérêt. Pourtant, en restant objectif, Mark Lanegan y chante admirablement bien. Mais le talent des grands artistes n’est-il pas de cacher qu’ils s’emmerdent comme jamais quand ils ont fait le mauvais choix et qu’ils doivent l’assumer jusqu’au bout ? Nous parlions de goudron pour évoquer sa voix, les plumes sont apportées en clôture de l’album par la reprise mièvre de « No Expectations » des Rolling Stones, pas moins, que les Soulsavers arrivent à vider de sa sève – c’est ici que Moby sévit.

Peut-être qu’en 1995 ce disque aurait eu l’impact escompté. Aujourd’hui It’s Not How Far You Fall, It’s The Way You Land est une baudruche. On ne doute pas une seule seconde de la sincérité de la démarche de Soulsavers, on s’interroge en revanche de la légitimité d’un tel pensum en 2007. Pour conservateurs exclusivement.

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