Mano Solo continue sa route sinueuse, entretenant sa colère en même temps que sa rage de vivre. Victime des plus ignobles vilénies de la part de journalistes de bas étage, accusé de tous les maux, récupéré, imité, spolié mais jamais égalé. Si la vie de l’artiste Mano Solo est loin d’être un fleuve tranquille, celle de l’homme a souvent relevé du calvaire. Et malgré les coups durs, très durs même, le Mano ne baisse ni les armes ni les bras. In The Garden en formation serrée autour de cette putain de voix, soit une guitare, un accordéon, une trompette et un piano, prolonge la croisade de Mano contre les faux-semblants, les lâchetés quotidiennes, les bassesses, petites et grandes, dont est capable l’Homme. On est en droit d’avoir un réflexe de dégoût devant la crudité des textes, mais leur hyperréalisme demeure encore et toujours un formidable coup de boule à notre train-train. Communiste tendance rouge-sang, braillard magnifique, écorché physique et moral, Mano Solo ne chante pas pour – son public, son manager, son banquier – Mano Solo chante contre. Contre la banalité, l’ignorance, l’indifférence et surtout, contre l’oubli, celui qui endort et rassure – magnifique « Les Petits Carrés Blancs », touchante d’autodérision « No Future » – ou celui qui tue – « Palace », « Dans Ma Mémoire ». Bien sûr, tout est douleur dans les chansons de Mano, comment pourrait-il en être autrement ? Mais la force du poète est d’intégrer cette douleur, de l’apprivoiser, de la malaxer, et même de la toiser. Tout est dit ? Poète, braillard, hyperréaliste, douloureux, touchant… Non, il manque une composante essentielle des chansons du solitaire, l’humour noir, très noir. Dans l’univers musical et graphique de Mano, ça grince, ça égratigne, ça froisse, ça fout même parfois les jetons, mais ça le fait souvent avec de l’humour, sinon avec un recul sacrément salutaire. Mano est encore et toujours cet animal irrémédiablement blessé, en rogne, mais attachant, petit bout de mec droit dans ses pompes au regard acéré et malicieux. Brisé, peut-être, mais raccommodé, rapiécé de toutes parts. Sauf qu’après avoir exhibé ses entailles, ce sont ses cicatrices qu’il arbore fièrement aujourd’hui. Même avec une épée de Damoclès sur la tête, Mano continue de bouffer la vie par tous les bouts, surtout s’ils sont d’occase et amochés. Et continue de nous botter le cul à grand coups de tatanes. Pour nous offrir une bonne bière juste derrière en nous disant avec son sourire ravageur : « désolé petit, mais tu m’avais cherché ».

– Le site de Mano Solo.