A l’écoute de Bad Blood In The City: The Piety Street Sessions plus aucun doute n’est permis : la paire James Blood Ulmer/Vernon Reid (producteur et guitariste dans tous ses états) est bien la plus belle chose qui soit arrivée au blues depuis des lustres. Deux ans après le chef-d’oeuvre en solo Birthright (comment ? vous n’avez pas encore fait l’acquisition de ce disque phare !), James Blood Ulmer remet le couvert sans faiblir, accompagné cette fois d’un groupe transporté, dans lequel figure, parmi les sept musiciens qui le composent, un joueur de violon et de mandoline (Charlie Burnham). Cela ne pourrait être qu’un détail, mais cette présence, presque anachronique dans le blues contemporain, n’est en rien fortuite : entre les mains de James Blood Ulmer, entre les cordes tendues de sa guitare, mais pas seulement (cette équipée sauvage se montre dans sa totalité sans peur ni reproche), le blues se réinvente, mute, change de territoire sonore, ne se laisse plus aimanter par le faste des paillettes qui éblouissent. Changer de territoire implique de reconstruire sur de nouvelles fondations, de reprendre les choses au début, de redonner chair à ce qui a été mais n’est plus. Prodige de producteur que de faire sonner le blues comme si ce dernier sortait du ventre des musiciens. Ou de cette gorge pleine d’histoires (d’Histoire) qui déborde de cailloux lancés à la gueule des bien-pensants, éructe à l’envi, gronde comme un orage venu des profondeurs du corps, se repaît de mots rageurs. Une haine dirigée vers des coupables : les membres de l’administration Bush, visés ici avec mordant. L’ouragan Katrina est passé par là, James Blood Ulmer fait les comptes. Et règle par la même occasion celui du blues, cette musique devenue une musique de riches. Le geste est chevaleresque, l’électricité tous azimuts conduit les réflexes de lutte. La guitare ulmerienne évite tout penchant masturbatoire, lacère ici et là les morceaux (cinq signés du maître et six reprises défigurées), leur inocule quelques névroses, alors que la basse (celle, énorme, de Mark Peterson) fait trembler les murs de mensonges. Politique, ce blues ? Jusqu’au bout des ongles. Sales, évidemment.

– Le site de Hyena.