Revenu d’une séparation douloureuse, l’ex trio power pop, devenu quatuor en passant, n’a pas perdu de son talent d’écriture mélodique vif et classieux. Prêt à damer le pion à la jeune garde.


Le destin joue parfois de drôles de tours… En 2001, Elk City se fendait d’une reprise terrassante du « 4th of July » des cultes Galaxie 500. Six ans plus tard, le guitariste/compositeur Peter Langland Hassan ayant pris congé du trio new-yorkais, c’est le guitariste interstellaire, Sean Eden, ex Luna, qui assure la relève. Luna, fantastique formation symbiose des deux Verlaine (Tom et Paul) dont le leader charismatique n’était autre que… Dean Wareham, voix et corde électrique de Galaxie 500 (et désormais Dean & Britta). La boucle serait-elle bouclée ?

Après six années de silence indécis suite au départ du précieux moteur Peter Langland Hassan, René LoBue, pétillant petit bout de femme et son fidèle lieutenant Ray Ketchem (batteur et producteur à lunettes) semblent avoir enfin tourné la page. New Believers est un retour salutaire en renfort de deux nouveaux membres, Sean Eden donc, et Barbara Endes (Lovelies). Une très bonne nouvelle tant cette formation franchement attachante a laissé deux albums de pop alternative totalement investis : le chef-d’oeuvre Status (2000, première signature de Talitres en France en 2001) et le plus calibré rock mais non moins touché par la grâce Hold Tight the Ropes (2002).

Désormais seul maître à bord, René LoBue s’est octroyé la double casquette de chanteuse et compositeur. Ce putsch n’est pas une mauvaise chose en soi : si Peter Langland Hassan était un guitariste brillant et un compositeur sensible, en opposition avec sa voix de « gringalet », le registre vocal surpuissant de René Lobue, tornade émotionnelle, prenait systématiquement le dessus. Et à entendre ses confidences au bout du rouleau “Nightime”, quelque part entre la dominatrice Kristin Hersh et la malicieuse Kim Deal, on se dit que la disparition d’une telle voix aurait été un vrai péché.

New Believers présente forcément un Elk City réinventé. Plus contemplatif, le disque s’effeuille progressivement sur ce troisième ouvrage, d’abord porté par des ballades en clair-obscur (les superbes “Little Brother”, “Silver Lawiers” et le moins bon “My Type of Criminal” gâché par quelques beats électroniques périmés)… Le toucher élégant et somnambule du guitariste Sean Eden, nouvelle marque du groupe, apporte indéniablement du sang neuf : sur les arpèges voluptueux de “Melody” et le solo fuzzy de “Magic Door”, le Penthouse de Luna – un autre chef-d’oeuvre – se matérialise à nouveau comme par enchantement. Rien que pour ces instants privilégiés, nous étions prêts à payer très cher ces retrouvailles. Par la suite, le quatuor s’applique à soigneusement contourner l’évidence, ses vieux tics avec tact, en développant des ambiances inédites : le mélo épicé “Los Cruzados”, très sixties, ou encore le Rythm’n’blues “Totally free”. Le versant pop mièvreux à la McCartney est même parfaitement assumé sur l’addictif “You Got Me”.

Enfin, si Elk City tend moins à percer leur rock à vif comme du temps des formidables accélérations de “Don’t Fight What You’ve Become” et “Love’s Like A Bomb ”, le foudroiement a tout de même lieu à deux reprises, sur “Cherries In The Snow” et “White Walls”. Dans ces instants tendus comme une arbalète prête à viser sa cible, on ne peut s’empêcher de guetter le déclic, ce moment de tressaillement avant l’explosion finale qui transperce les refrains de part en part.

Dans ses apparats flambant neufs, Elk City s’en tire incontestablement avec les honneurs grâce à son sens intact de la mélodie acérée. Le constat tiré est alors patent : des mélodies à la fois vulnérables et instantanées de ce tonneau-là ne semblent plus vraiment être de mise de nos jours, vestiges d’une certaine éthique indie rock ancrée dans les 90’s. Et c’est regrettable. On ne saurait que trop remercier Elk City de ne pas avoir déposé les armes.

– Elk City sur Myspace