Bonne nouvelle, les Trembling Blue Stars courent toujours après l’éternelle jeunesse. Saluons encore une fois l’humble artisan Robert Written et son talent d’écriture pop limpide, bouleversante.


Il faudra se faire une raison. Lassé par la routine et les sacrifices des tournées, Robert Written s’est promis de ne plus remonter sur scène. Déjà que les prestations des Trembling Blue Stars devenaient aussi rares qu’une éclipse vénusienne… cette fois, ses admirateurs inconsolables n’auront bel et bien plus la chance de l’entendre dans une salle chanter de sa voix d’éternel adolescent ses complaintes déchirantes. Malgré l’évènement que suscite la sortie de ce nouvel album, cette retraite anticipée ne nous rassure qu’à moitié sur l’avenir du groupe…

Souvent qualifié de génie maudit de la pop à l’instar d’un Lawrence Felt, Peter Wash ou Michael Head, Bobby Written, ce héro très discret, ne connaitra probablement jamais la reconnaissance du grand public. La perspective d’une certaine « prospérité » était de toute manière déjà bien mal partie du temps des glorieux Field Mice. La « prospérité », ce mot pourrait d’ailleurs paraître grossier à l’évocation du label Sarah. Cette maison, indissociablement liée à l’épopée des souris alternatives et farouchement indépendantes, qui a préféré s’autosaborder en 1993 plutôt que de perdre le contrôle de ses productions. Depuis maintenant 20 ans (fichtre !), les chansons de l’ex-meneur des Field Mice ont chamboulé l’ordinaire de quelques âmes « Sensitive ». Alors au diable les escortes en limousine sur les Grands Boulevards, les tapis rouges à l’entrée des palaces et les néons de l’Olympia illuminés de son nom. Le songwriter s’est de toute façon passionné pour ces détails contractuels comme de sa prochaine lessive. Seules quelques colonies de fans qu’il compte à travers le monde – tous lui ont juré une éternelle fidélité – suffisent à faire perdurer son art.

En 1996, le sompteux recueil Her Handwriting dévoilait l’étoile Trembling Blue Stars, ouvrant la voie à une demi-douzaine d’albums éclatants, reflet du talent jamais écorné de son leader Bobby Written. Ce qui ne devait être qu’une courte parenthèse solo après le furtif épisode The Nothern Picture Library s’est finalement imposé – le temps pour témoin – comme une véritable entité. Désormais, l’histoire des étoiles bleues tremblantes pèse double comparée à celle des Field Mice et ne peut plus être considérée comme secondaire.

Pourtant, le temps file mais peu de choses changent. Avec The Last Holy Writer, dernière merveille en date, Robert Written ne s’est toujours pas résolu à grandir. Qu’il en soit béni pour cela. Sous la houlette de son vieil acolyte Ian Catt, ce sixième opus maintient l’impressionnant niveau d’exigence du songwriter de Bristol : douze compositions, douze perles mélodiques. Conservateur jusqu’à l’os, ses meubles cosy n’ont ainsi pas vraiment bougé de sa tanière musicale depuis 1987 : un spleen acoustique en mode septième mineur (les accords les plus tristes), une boîte à rythme dérivée de New Order, quelques violons synthétiques et bien sûr cette candeur dignement héritée du meilleur de la pop indépendante eighties. Par peur probable de laisser filer la magie, cette discipline de fer lui a permis jusqu’ici de conserver une innocence immaculée. Ces chansons de prime abord un peu austères se révèlent in fine une solide épaule où l’on vient et revient chercher du réconfort.

Il suffit d’un rien pour engendrer une mélodie parfaite, comme sur “Say Goodbye To The Sea” ou encore l’incroyable « November Starlings », diablement Moosien. Ses plus belles mélodies, le Pygmalion en fait don généreusement, encore et toujours, à ses égéries : Anne Mari Davis autrefois, aujourd’hui Beth Arthy (“Idyllwild”, pop song instantanée aux choeurs chavirés ou encore l’épilogue éperdu “A Statue to Wilde”). Enfin, sujet d’une propension régulière à virer vers l’inquiétant, comme sur le franchement pas tropical “Schnee Gletscher Glas” (où le spectre de Robert Smith prend possession des claviers), ces étreintes conservent en dépit toujours une remarquable pointe d’optimiste : plombées d’un couplet au fond du gouffre ou de nappes oppressantes, une lumière jaillit d’un refrain (“Darker, Colder, Slower”), comme soudainement balancée d’un coup de projecteur, une main divine qui vous rattrape au dernier moment avant l’écart fatal.

Repoussant sans cesse l’âge fatidique de la raison, Written préfère définitivement la ferveur candide au confort adulte. Ces cicatrices-là valent de l’or.

– Lire également notre flashback The Field Mice 1989 – 1991 (Sarah Records)

– Le site officiel des Trembling Blue Star